« Il faut sortir du tout-répressif »

« Il faut sortir du tout-répressif »

 

« Il faut sortir du tout-répressif » article de Malo Tresca paru dans  La Croix du 6 mars 2018 >>>>

Jean-François Penhouet, prêtre de la Mission de France et aumônier national catholique des prisons salue la volonté d’Emmanuel Macron de développer les peines alternatives.

 

Estimez-vous que les peines de prison sont encore vraiment dissuasives ?

Père Jean-François Penhouet : Pour les peines courtes, qui représentent la grande majorité des sanctions, les chiffres prouvent le contraire : le taux de récidive des anciens détenus a beaucoup augmenté ces derniers temps, témoignant de l’échec de la politique répressive appliquée depuis des années en France.

Les courts séjours carcéraux, dans des maisons d’arrêt dont la surpopulation engendre des frustrations, voire des violences, ne servent souvent à rien, si ce n’est d’augmenter le carnet d’adresses des délinquants… Pourtant, l’opinion publique n’est pas encore prête à entendre ce discours sur la petite délinquance.

Pour les peines longues, les chiffres sont en revanche plus stables. Ils témoignent d’une relative prise en charge par l’administration pénitentiaire, avec, à la clé, une absence d’inflation du nombre de détenus. Je pense en outre que la perspective d’un aménagement de peine, pour les détenus, contribue largement à l’endiguement de la violence en prison, même s’il reste de nombreux problèmes.

La politique d’Emmanuel Macron pourrait-elle réellement amorcer une « révolution » dans le système pénal français ?

J-F. P. : Sans connaître encore tous les tenants et les aboutissants de son dispositif, je pense qu’il est louable, de sa part, d’aller dans le sens d’un développement des peines alternatives, pour sortir du système du « tout-répressif ». Je suis vraiment favorable à cela, au même titre qu’un certain nombre de militants associatifs et que les aumôniers des autres religions.

J’encourage également sa démarche à vouloir faire sortir de la conscience collective française cette association d’idées que « la sanction » est systématiquement synonyme de « prison ». Il existe d’autres formes de sanctions, plus humaines, même si j’estime tout de même qu’il y a un aspect punitif qu’il ne faut pas éliminer. La sanction a aussi une dimension pédagogique qu’on ne peut occulter.

Enfin, Emmanuel Macron semble vouloir prôner une réduction du délai entre la prononciation du verdict et l’exécution de la peine. C’est aussi selon moi une bonne chose, à l’heure où cette procédure est généralement très longue et alors que les infractions ont parfois été commises depuis longtemps déjà… En revanche, je pense qu’il faut maintenir ouvertes les perspectives d’aménagement de peines pour les détenus.

Quelles pourraient être, selon vous, les formes les plus probantes de peines alternatives ?

J-F. P. : Des condamnations plus fréquentes à des travaux d’intérêt général (TIG), ou au port d’un bracelet électronique, sont, par exemple, des sanctions qui gagneraient à être davantage appliquées. Elles supposent bien sûr d’autres moyens d’accompagnement humain que ceux existant actuellement dans les prisons, mais cela permettrait de décongestionner les structures carcérales.

Un meilleur accompagnement, à la sortie de prison, permettrait enfin de rétablir l’équilibre de vie des anciens détenus : il y a des gens qui arrêtent les infractions lorsqu’une association les a par exemple aidés à retrouver un travail, ou lorsqu’ils ont commencé à fonder une famille…

Je pense également beaucoup de bien de la justice restaurative (Né au Canada, ce concept prône notamment des rencontres entre condamnés et victimes et la mise en place de cercles de soutien, NDLR), même si j’ai conscience qu’elle est très coûteuse et chronophage. Assez peu développée en France, elle permet vraiment aux personnes, victimes comme délinquants, de se reconstruire sans passer systématiquement par la répression.

mdfadmin

mdfadmin

Laisser un commentaire

*