Edito le LAC n°267

Dans les basculements du monde, des semences d’Evangile – Assemblée Générale 2012
(N° 267 Novembre – Décembre 2012)

EDITORIAL

C’est un pays où l’art de tisser des liens a été érigé en patrimoine immatériel de l’UNESCO. Je veux parler de la Creuse et de la tapisserie d’Aubusson où je viens de passer neuf années. Assis devant son métier, le lissier ne voit que l’envers du décor : tout un réseau coloré de fils de laine, enchevêtrés, emmêlés sans trop d’ordre ni de clarté. Mais quand, point par point, il a achevé sa tapisserie, il la retourne, il la bascule, et l’oeuvre se dévoile dans toute son harmonie.

Il y a quelque chose de cet ordre dans l’art de la Mission de France. Un art de tisser les liens par une présence d’évangile aux ouvriers de la dernière heure, une manière reconnaissable d’aller là où on ne s’y attend pas.

Un art de prier avec la couleur du quotidien, parfois éloigné des règles en usage. Mais quand on procède au basculement, l’oeuvre dévoile son étonnante harmonie avec les murmures du monde. Monique Baujard l’observe comme notre marque de confiance, notre capacité à accueillir l’Esprit Saint à l’oeuvre.

Il y a également quelque chose de cet ordre dans l’assemblée générale que nous avons vécue en juillet dernier à La Pommeraye. Un temps heureux de retrouvailles, des liens de fraternité vivants, des visages reconnus ou découverts, mais une impression brouillonne, un manque de lisibilité dans les orientations, ressent Dominique Devisse. Le fil conducteur improbable en a dérouté plus d’un, nous rapporte Jacques Duplessy dans des impressions recueillies à vif.

Les aînés furent discrets, les trentenaires ont exprimé leur désarroi. Retenons la précision de l’un d’entre eux. « La Communauté Mission de France est capable d’accepter des individus aux parcours libres et atypiques. La question que je me pose est de savoir si elle est capable de former un corps. » Si la fraternité est acquise, l’art de nouer les liens par la confrontation, le partage exigeant au sein de la vie d’équipe, la recherche d’une vision commune qui donne sens aux engagements de chacun, sont mis à rude épreuve.

On sait combien les noeuds peuvent réunir, on sait aussi qu’ils enserrent. Les familles, les associations, les institutions en font la douloureuse expérience. Ce que nous gagnons en liberté d’initiatives et de déplacements, nous devons le vivre comme un dépouillement, non comme un gain. « Sans bourse, ni sandales, ni besace » telle est la condition des disciples, nous rapporte Bernadette Bocharel dans son carrefour biblique.

Les carrefours étaient invités à travailler sur les enjeux missionnaires du temps. Pour les résumer Nicolas Renard nous propose le foisonnement d’un arbre, avec ses deux branches charpentières : celle de solidarité avec les pauvres et celle d’une présence d’Eglise vécue comme laboratoire évangélique.

Jean-Marie Ploux s’en va plutôt du côté des racines pour saisir là où naît notre vocation missionnaire :

« Ce qui fait la raison d’être de la Mission de France, c’est de porter ensemble la question de Dieu et de l’évangile en ce monde. »

Nous avons vocation à ne pas renoncer à poser la question de Dieu dans un monde sécularisé qui s’en tient à chercher des sagesses de vie. Que l’on soit en rupture avec le monde ou en adaptation, il faudra continuer à s’expliquer sur cette disparition dans le paysage d’une parole sur Dieu, ou d’une parole adressée à Dieu.
La foi ne saurait être préservée du choc des cultures, sanctuarisée à l’abri des remous de l’histoire. A la lumière de l’évangile, du Verbe qui s’est fait chair, nous croyons que Dieu s’est rendu présent à ce monde, et qu’il continue de le faire. C’est ce qui le rend audible et perceptible.

Dans l’élan missionnaire qui la fonde, « l’Eglise doit s’insérer dans tous les groupes humains du même mouvement dont le Christ lui-même par son incarnation s’est lié aux conditions sociales et culturelles déterminées des hommes avec lesquels il a vécu. » (Ad Gentes n° 10)

Et la manière du Christ, ce n’est pas seulement l’incarnation, c’est aussi la croix, la brûlure vive du mystère pascal. « La Croix s’est faite chair » commente Jean-Marie Ploux dans la deuxième partie de son intervention.

Chaque assemblée générale s’efforce de traduire un moment de notre histoire en votes. Ce sont aussi des nouveaux membres qui célèbrent leur engagement, des équipes qui accueillent pour un temps de discernement. C’est une floraison, signe de fécondité de l’appel à vivre la mission. Les textes d’orientations, des moyens d’animation renouvelés, des motions sont ici publiés. Ils doivent nous aider à passer de la floraison à la fondation. Nous ne sommes pas des disciples d’un certain style d’Eglise. Nous sommes appelés à devenir ce que nous sommes, rappelle notre évêque, le père Yves Patenôtre, c’est-à-dire des apôtres du Christ.

Quatre orientations fortes ont été données en 2007

•  Vivre la solidarité avec les pauvres,
•  Vivre ensemble la dimension internationale « ici et là-bas »,
•  Nous engager pour de nouveaux modes de vie,
•  Prendre en charge les questions nouvelles autour de la famille, de la vie conjugale, l’éducation des enfants, les relations hommes / femmes.

Elles restent des axes privilégiés à vivre et à approfondir. Deux préoccupations nouvelles émergent autour du corps et de la santé. Nous verrons ce qu’elles traduisent comme appels de nos contemporains et comme signes des temps.
Pour les moyens d’animation, deux expressions reviennent avec insistance : la formation et l’accompagnement. Les visites d’équipes les avaient déjà signalés. Nous aurons à les développer.

Par Arnaud FAVART