L’avenir des Territoires ruraux, des chrétiens s’interrogent

L’avenir des Territoires ruraux, des chrétiens s’interrogent

 

Avant-propos du livre de Gilles Gracineau et Jean-Jacques Barrère, L’avenir des Territoires ruraux, des chrétiens s’interrogent (rapport interne à la famille du Prado et ses partenaires, novembre 2016)

 

La soirée s’annonçait douce et printanière. Par la fenêtre, nous écoutions le chant d’un merle qui s’en donnait à cœur joie. Je fis part à mes amis de mon admiration pour cette jouissance musicale. « Détrompe-toi, me rétorqua l’un d’eux, il défend son territoire ! »

L’un façonnant l’autre, territoire et identité ont toujours entretenus des rapports complexes. La question est éminemment politique : l’autre sera-t-il une chance ou une menace pour le territoire dans lequel j’habite, je travaille et je me déplace ? Avec la mondialisation des échanges, la notion de territoire s’est brouillée, les liens se sont fragilisés.

Qui est mon prochain ? Mon voisin ou celui avec qui j’échange tous les jours ? D’où viennent les ressources qui me permettent de consommer, circuler ou travailler ? De Chine, du Maroc ou de Roumanie ? Mes impôts participent-ils vraiment à la redistribution équitable des richesses quand les paradis fiscaux attirent des sommes colossales désaffiliées de toute finalité territoriale ?

Les migrations – voulues ou forcées – sont de plus en plus fréquentes, les trajectoires géographiques des individus de plus en plus complexes, bouleversant forcément les processus de construction identitaire. Le paysan était l’homme d’un pays. On sait que l’exode rural a vidé une bonne partie des campagnes de leurs ressources humaines. Qu’advient-il des migrants partis travailler sous d’autres cieux et de leur inscription sur un territoire ? Peut-on discerner du neuf dans l’histoire avec ces incessantes vagues de migrants qui font et défont les territoires ? La sanctuarisation des territoires travaille les consciences devant la peur de l’autre et la mise en question des identités. L’hospitalité sera-t-elle l’atout de terroirs à faible densité de population, nouveau laboratoire de mixité sociale et intergénérationnelle ? Quel rôle joueront les chrétiens dans ce processus de recomposition ? Voilà bien des questions explorées par cet ouvrage.

La métropolisation en cours reste largement interprétée comme un simple changement d’échelle, un territoire urbain « en plus grand », alors qu’il s’agit d’une véritable révolution spatiale. Sous la pression de la compétitivité, elle subvertit beaucoup de notions traditionnelles comme le voisinage, la proximité, la citoyenneté, l’intérêt général ou l’autorité. Les banlieues affirment leur poids et leur différence, en particulier à travers la résurgence d’identités particulières, religieuses ou culturelles. Le métissage des populations et la richesse de la vie associative témoignent également de pratiques sociales innovantes, sources d’intégration possible.

L’idée d’une marche vers des appartenances à des espaces de plus en plus vastes semble avoir fait long feu. L’individu urbain comme rural s’accommode aujourd’hui d’appartenir à des territoires multiples, qui ne s’organisent plus forcément autour d’un centre, qu’il soit centre d’intérêt ou pôle géographique. Le mouvement de globalisation provoque également, en réaction, un renforcement du besoin d’identité. Il n’est pas étonnant que s’expriment bien des formes de contestation et que naissent bien des alternatives pour une réappropriation des territoires et de leur avenir. Ils manifestent à Sivens et à Notre Dame des Landes, comme on a manifesté autrefois sur le Larzac, mais aucune opposition bruyante ou médiatique ne s’élève là où des terres cultivables ou d’intérêt écologique majeur sont englouties dans des zones commerciales périurbaines, des complexes routiers ou touristiques. A l’image des parcs naturels, une sanctuarisation peut aussi préserver une diversité, des minorités et des spécificités menacées par la standardisation des modes de vie.

Mis au pied du mur, des territoires ruraux maltraités économiquement, ou réduit à la fonction de poumon vert d’une métropole, deviennent des territoires d’innovation sociale. Quand ils arrivent à mettre en valeur les multiples ressources liées à leurs racines culturelles et à la diversité de leur savoir-faire, un vivre ensemble redevient possible et attractif. Le développement des circuits courts, valorisant la proximité et les échanges réciproques, est un des exemples emblématiques.

L’aménagement du territoire est toujours significatif des flux qu’une société met en œuvre pour réguler les échanges, les ressources et les solidarités.

Soumis à ces mêmes flux, des chrétiens inventent et cherchent un avenir face à cette révolution des échanges, des ressources et des solidarités. Des communautés aux visages multiples émergent pour répondre aux aspirations très diversifiées de croyants en quête de ressources spirituelles. Des personnes et des réseaux s’investissent pour redonner parole et dignité aux plus précaires, parce qu’ils croient en une humanité une, solidaire et multipolaire.

Pour la présence de l’Eglise en monde rural, quelles seront les institutions de proximité et les institutions de cohésion adaptées à cette nouvelle donne ? La recomposition des territoires paroissiaux a montré ses limites.  Au-delà d’une certaine taille, toute circonscription n’échappe pas à un fonctionnement administratif. Il met le ministère des prêtres en porte-à-faux. Les observations de Gilles Gracineau et Jean-Jacques Barrère nous invitent à changer de registre pour passer du quadrillage territorial à celui du signe. Deux signes sont particulièrement mis en valeur, celui de la proximité et celui de la communion-réconciliation. Dans le sillage du charisme de la famille pradosienne, il ne s’agit pas pour les acteurs de reconquérir le territoire mais de faire signe sur le chemin.

Arnaud Favart

 

Vous pouvez commander l’ouvrage (10€) ici =>> communication@missiondefrance.fr sscan16120913450

 

 

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