Du récit à la mission

Comment ce qui se vit là-bas vient-il nous toucher ici ? Ce que les copains vivent au lointain vient fondamentalement interroger et nourrir ce que nous vivons dans nos quartiers et au travail. Leur récit, leur « retour de mission » nous fait prendre conscience de toute l’originalité de chaque rencontre. Loin d’être évidente, la confrontation de nos différences est bien l’enjeu quotidien de nos vies. Ne l’oublions pas. Car lorsque nous évoquons avec eux les évolutions technologiques en Asie, les migrations de masse en Afrique, les conflits au Proche Orient, ce qui semble se dessiner à chaque fois derrière tout cela, c’est une même tension entre tradition et modernité, entre identité et altérité, entre résurgence du religieux et soupir de liberté. La présence de quelques-uns au lointain vient nous révéler comment, ici, nous vivons également ces mêmes écarts. Il nous faut en prendre conscience et accepter de servir ces nouveaux défis. En effet, le travail de vérité et de mémoire est désormais plus que nécessaire, autant pour les individus que pour les peuples. Nous pouvons donc nous mettre à l’écoute de leurs cris et de leurs silences : ils en disent long. Jacques Leclerc nomme cela « le ministère d’amitié ». C’est évident, tout ne peut pas être échange mercantile, aujourd’hui nous avons à servir la gratuité et la parole de l’autre. Oui, pour les chrétiens, l’attention à ce « tout autre », au plus petit est une manière d’être à laquelle on nous reconnaît. Il s’agit d’être cet étranger sur la terre du frère, ce visage d’altérité qui va lui dire combien sa vie compte même si tant de différences se font jour. Voilà ce que le récit des lointains nous rapporte : une manière d’être frères là-bas pour être résolument disciples ici. Voilà ce qu’offre la vie du corps.

Guillaume Roudier