Echos des équipes Poitou-Charentes-Aquitaine

Annoncer la foi dans un monde mobile

La Mission de France est largement inscrite dans le paysage de l’Eglise en France. Voulue par le cardinal Suhard en 1941 à partir du livre « France, Pays de Mission ? » écrit par l’Abbé Godin, elle a été soutenue par les évêques de France même si l’histoire montre que ses relations avec l’épiscopat, et surtout avec le Vatican, n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille.

Créée comme un outil d’évangélisation au service de l’ensemble des diocèses, elle fut dans un premier temps un corps de prêtres envoyés dans les couches de la population française les plus éloignées de l’Eglise catholique. Un grand nombre de ces prêtres se sont engagés par le travail dans un partage au quotidien des conditions de la vie réelle des gens. Cela a fait naître chez eux une conception de l’annonce de la foi basée sur une « obéissance au réel » et un « vivre avec » qui les a conduit à des prises de position courageuses et risquées. Cette audace a toujours caractérisé la Mission de France. Grâce à elle, des hommes et des femmes ont vécu un compagnonnage qui ne s’est pas manifesté d’abord par l’annonce de la foi prêchée, mais par le témoignage de compagnons de vie.

Depuis plus de 60 ans, la Mission de France pousse sa barque au large pour répondre à l’appel du Christ. Aujourd’hui, cette barque a dépassé bien des frontières, non seulement sociales et religieuses, mais également géographiques puisque des membres de la Mission de France vivent en Algérie, en Chine, en Afrique sub-saharienne, en Amérique du Nord et du Sud. Ses membres ne sont plus seulement des prêtres, mais également des religieuses, des diacres, des couples avec leurs enfants et des célibataires.

Les équipes de la région Poitou-Charentes et Aquitaine se sont retrouvées à la Maison Diocésaine de Poitiers, les 19 et 20 avril 2008, pour réfléchir à une question qui les taraude et qui rejoint largement celle du diocèse de Poitiers « Comment annoncer la foi dans un monde de mobilité ? » Cette question est apparue à l’occasion de la rencontre du Comité Pastoral Diocésain où l’on mettait au point le texte qui deviendrait celui de notre diocèse au sujet de l’Annonce de la foi. Au cours de cette même journée, une femme, maire de sa commune dans la région Melloise, nous avait parlé des conséquences de la mobilité concernant les déplacements quotidiens des populations et l’organisation de la vie d’une commune et d’une communauté de commune.

La Mission de France, du fait même de la mission qui lui est confiée dans l’Eglise de France, est très sensible à tout ce qui constitue la vie des gens au quotidien et les conséquences qu’il nous faut en tirer pour « annoncer la foi ». En introduction à cette rencontre, nous avons donc regardé un diaporama admirable élaboré par Michelle, responsable du catéchuménat dans le diocèse, avec son mari Thierry. Ce diaporama montrait ce qu’est la mobilité de notre monde en différents domaines, le travail, la vie de couple, l’habitat, les déplacements, les séparations… Deux images revenaient comme une ponctuation, celle d’une dame âgée au visage burinée qui regarde ce monde en mouvement, et une photo prise sur le chemin de St Jacques de Compostelle montrant deux routes qui se séparent en partant du même point. J’y ai reconnu pour ma part une route droite, goudronnée, qui permet des déplacements rapides, et un chemin de terre qui s’en va, zigzaguant lentement à travers les champs. Ces deux routes mènent vers une destination inconnue, …donc à découvrir.

Or les chrétiens lisaient, ce 5ème dimanche de Pâques, l’Evangile dans lequel Jésus dit à Thomas : « Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie ». Cette parole de Jésus a guidé le déroulement de notre rencontre, à travers deux exposés d’Isabelle, le premier partant d’un regard anthropologique, et le second, plus théologique, biblique et méditatif. Nous souhaitons à d’autres chrétiens du diocèse de pouvoir bénéficier de ces apports.

Contrairement à ce que nous avons tendance à imaginer, la mobilité n’est pas apparue récemment. Elle est inscrite dans la vie de l’Homme depuis le récit de sa création dans la Bible, en passant par l’appel à Abraham que Marie Balmary traduit par : « Va vers toi ». Combien de migrations dans l’histoire de l’humanité ont ponctué notre chemin vers des conditions de vie qui puissent améliorer la vie des humains ?

« Annoncer la foi » en ce début de 21ème siècle, c’est pour les chrétiens d’aujourd’hui, rejoindre les hommes qui avancent sur ce chemin d’humanité en ayant « le cœur tout brûlant » comme les disciples d’Emmaüs.

Deux traits marquent particulièrement notre monde contemporain. Les distances sont effacées par les techniques de communication, alors même que des hommes et des femmes peuvent être séparés par des murs invisibles de non-communication. La grande complexité de ce monde qui vit par des réseaux interdépendants les uns des autres.
Une illustration actuelle. La culture des biocarburants utilise de larges espaces qui servaient à l’alimentation des populations locales en grande pauvreté. Ces groupes sont chassés de leur terre pour que nous puissions continuer à remplir les réservoirs de nos voitures. C’est comme si l’homme pouvait se priver de manger, mais ne pouvait pas se priver de rouler ! Une des exigences les plus provocantes aujourd’hui est donc la nécessité de discerner ce qui motive nos choix, en sachant la grande difficulté où nous sommes de faire ces choix au quotidien.

« Tout est permis, aurait dit saint Paul, mais tout ne construit pas ».

C’est vrai pour nos choix personnels ; c’est vrai pour les grands choix politiques et économiques qui orientent la marche du monde. Notre foi, loin d’être pour nous un refuge où nous chercherions la sécurité, est un risque à prendre, celui de sortir sans cesse pour aller vers un « ailleurs » qui nous attend.
Une image nous a frappé, une illustration de Piem montrant la Résurrection de Jésus. Il prend la porte en sortant de son tombeau tandis que l’on entend, venant de l’intérieur, une voix qui crie : « la porte ! » comme redoutant les courants d’air de cet ailleurs où Jésus nous entraîne avec Lui.

Abel Bousseau, 21 avril 2008