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Essai  de Guy de Lachaux

Points de repère pour accueillir, accompagner, discerner et intégrer les personnes qui préparent un sacrement de l’initiation chrétienne et qui vivent une situation « dite irrégulière »

 

Quelles sont ces situations ?

Elles tournent principalement autour de la vie de couple et de famille.

  • Vivre en couple sans être marié
  • L’un des deux dans le couple (le catéchumène ou son conjoint) est divorcé soit déjà marié préalablement à l’Eglise, soit non baptisé…
  • Vivre en couple avec une personne du même sexe.

Un constat

Beaucoup de personnes se présentent aujourd’hui à l’Eglise pour vivre un sacrement de l’initiation chrétienne après un chemin de vie quelquefois très mouvementé… Les unions se font et se défont. La montée d’une vision très individualiste met en avant le droit à la réussite et au bonheur face au bien de la famille. Les rapports hommes/femmes se sont profondément transformés. Et la diversité culturelle, sociale et religieuse a brouillé les points de repère établis précédemment. La vérité et la qualité des relations et des alliances nouées sont mises à mal.

Il en résulte que beaucoup découvrent une proximité de Dieu à leur vie et s’adressent à l’Eglise sans bien connaître tous les appels de l’Evangile et en méconnaissant l’enseignement de l’Eglise. Elles cherchent Dieu, d’une façon ou d’une autre, et demandent un sacrement  sans très bien savoir ce qu’il représente, sans percevoir que cela concerne l’ensemble et la cohérence de leur vie, ni ce qui pourrait être contradictoire avec leur mode de vie actuel.

En fait, une personne qui demande le Baptême, que demande-t-elle ?

Une personne qui demande la confirmation vit souvent un recommencement dans l’aventure de la foi et du témoignage et ne voit pas forcément le lien qu’il peut y avoir entre sa demande et la belle relation d’amour qu’elle vit avec un homme divorcé ?

Et puis, ce qui vient tout de suite à l’esprit, c’est l’accueil du Seigneur aux pécheurs, le pardon qu’il accorde et la promesse d ‘un nouveau départ ; il nous aime au-delà de nos fragilités …  alors où est le problème

Face à ces situations en particulier matrimoniales, nous avons en fait tendance

  • soit à ignorer ces difficultés, fermer les yeux et donc à ne pas démarrer le cheminement de discernement (laxisme)
  • soit à dire tout de suite que ce ne sera pas possible tant que la personne n’aura pas mis de l’ordre dans sa vie. (rigorisme)

« Aucune des deux n’est vérité : ni le rigorisme, ni le laxisme ne sont vérité. L’Évangile choisit une autre voie… »  –  Pape François, jeudi 16 juin 2016.

Le Pape François nous invite à une autre attitude :

accompagner, discerner, intégrer la fragilité.

Accompagner la personne qui demande un sacrement de l’initiation

  • pour l’aider à discerner l’appel que Dieu lui adresse dans la situation concrète qu’elle vit aujourd’hui
  • et intégrer la personne avec sa fragilité.

Pour cela, voici quelques points de repère généraux :

  • Première certitude :

La personne a perçu un appel à être baptisée, à recevoir le sacrement de confirmation ou à participer pleinement à l’Eucharistie. Or Dieu n’appelle pas pour mener à une impasse. Un temps de discernement va donc lui permettre de voir comment poursuivre le chemin sur lequel Dieu l’a conduite.

  • Deuxième certitude :

le discernement est essentiellement une démarche  entre cette personne et Dieu. C’est donc la personne concernée qui est appelée à percevoir l’appel de Dieu au fond de sa conscience éclairée par l’Evangile et l’Eglise. (cf. Gaudium et spes n°16)

  • Troisième certitude :

Pour arriver à un discernement vrai, la personne a besoin d’éléments pour éclairer sa conscience. C’est pourquoi elle aura besoin d’être accompagnée par l’Eglise. AL 298  début

  • Quatrième certitude :

Accompagner, discerner ce n’est pas dire à la personne ce qu’elle doit penser, mais c’est apporter au fur et à mesure de son cheminement les éléments nécessaires pour qu’elle puisse arriver à un jugement de conscience sur sa situation… et donc découvrir ce à quoi, dans la situation concrète qu’elle vit, Dieu l’appelle.

  • Cinquième certitude :

L’objectif est son intégration. Il sera donc nécessaire qu’il y ait ensuite un discernement pastoral dont l’intégration sera le maître-mot. « La logique de l’intégration est la clef de leur accompagnement pastoral afin qu’ils sachent qu’ils appartiennent au Corps du Christ qu’est l’Eglise, mais qu’ils puissent en avoir une joyeuse et féconde expérience » AL299

  • Sixième certitude :

Cette démarche de discernement doit se vivre dès l’entrée en catéchuménat et non à quelques semaines de l’appel décisif afin de sortir du simple « permis ou défendu » et prendre le temps d’un véritable discernement personnel et permettre une réflexion ultérieure pour élaborer un discernement pastoral

 

Pour un cheminement de discernement personnel

Qu’est-ce que le discernement personnel ?

C’est ce cheminement qui consiste à laisser venir au jour, au milieu des inévitables soubresauts de la vie, l’appel personnel que Dieu adresse aujourd’hui au catéchumène en tenant compte de son histoire personnelle, des enseignements de l’Eglise et d’un appel vivant de l’Evangile. Il l’invite ainsi à découvrir la réponse et les décisions ajustées à l’amour et à l’appel personnel que Dieu lui adresse.

Les moyens de ce discernement.

Ils sont au nombre de trois.

1 – Une écoute dans la foi de la Parole de Dieu qui « ne se révèle pas comme une séquence de thèses abstraites, mais comme une compagne de voyage » AL n°22

Il est en effet essentiel que, tout au long de cette démarche de discernement, la Parole de Dieu devienne une nourriture quotidienne, et une lumière pour le chemin de chaque jour.

2 – Une lecture de son histoire personnelle et de ce qui a mené à la situation d’aujourd’hui, le contexte personnel, social et culturel ; les responsabilités, mais aussi les conditionnements et les circonstances atténuantes…

3 – La parole de l’Eglise, et spécialement son enseignement, ses orientations morales et ses lois.

C’est dans la confrontation intérieure de ces trois dimensions que s’effectuera petit à petit, au cœur de sa conscience et sous le regard de Dieu, le discernement sur l’appel que Dieu lui adresse aujourd’hui.

« Cette conscience peut reconnaître qu’une situation ne correspond pas objectivement aux exigences de l’Evangile. De même, elle peut reconnaître sincèrement et honnêtement que c’est, pour le moment, la réponse généreuse qu’on peut donner à Dieu et découvrir, avec une certaine assurance morale, que cette réponse est le don de soi que Dieu Lui-même demande au milieu de la complexité concrète des limitations, même si elle n’atteint pas pleinement l’idéal objectif. » AL n°303

Les étapes de ce discernement.

  • Un premier temps …

… de mise en route et de prise de conscience que Dieu a quelque chose à lui dire pour pouvoir entendre cet appel à recevoir un sacrement de l’initiation dans la vérité entre ce sacrement et sa vie concrète de chaque jour… avec ce qu’elle a de beau et de plus difficile.

Une ou plusieurs rencontres  avec un accompagnateur seront nécessaires pour intérioriser l’objectif et prendre connaissance des moyens.

  • Un deuxième temps…

… de lecture de sa vie et des situations créées par son histoire ainsi que d’accueil de la parole de l’Eglise, de son enseignement et de ses lois, en prenant bien soin d’essayer, non de les critiquer, mais de les accueillir de l’intérieur et d’en comprendre le sens.

  • Un troisième temps…

… pour confronter ces données sous le regard de Dieu, ce qui mène à  un discernement éclairé.

Cela pourra se faire par une journée de silence accompagnée… et un temps de conclusion pour exprimer ce à quoi Dieu l’appelle.

 

Pour accompagner cette démarche de discernement.

Le Pape François nous invite à un changement de regard.

  • Le pape François nous invite à sortir du permis-défendu pour entrer dans une logique « de la miséricorde et de l’intégration. La route de l’Eglise, dit-il, est celle de ne condamner personne éternellement, de répandre la miséricorde de Dieu sur toutes les personnes qui la demandent d’un cœur sincère, car la charité véritable est toujours imméritée, inconditionnelle et gratuite» AL296
  • Il n’y a pas d’un côté les familles réussies, et de l’autre les personnes blessées ou imparfaites, mais il n’y a que des personnes en chemin qui ont toutes besoin de la miséricorde de Dieu. L’essentiel est que leur chemin devienne un chemin de croissance.
  • Ce n’est pas la « loi » qui, comme un couperet, dirait le chemin qu’il faut prendre sous peine de péché. Elle est un guide « qui indique un chemin» AL295, mais qui a besoin d’être confrontée à la situation particulière des personnes car la loi générale n’est pas applicable à tous telle quelle (AL300) ; la loi n’est pas là pour leur dire de l’extérieur s’ils sont dans le droit chemin, mais pour être une lumière sur leur route. Elle est donc là pour aider chacun à discerner l’appel de Dieu dans sa vie… et pour permettre au pasteur de voir comment cet appel peut être vécu.
  • Et donc « en croyant que tout est blanc ou noir, nous fermons parfois le chemin de la grâce et de la croissance… Rappelons-nous qu’un petit pas, au milieu de grandes limites humaines, peut être plus apprécié de Dieu que la vie extérieurement correcte de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter d’importantes difficultés. La pastorale concrète… des communautés ne peut cesser de prendre en compte cette réalité» AL305
  • Il y a une priorité absolue, c’est celle de la miséricorde. « qu’à tous, croyants ou loin de la foi, puisse parvenir le baume de la miséricorde comme signe du Règne de Dieu déjà présent au milieu de nous» AL309

 

L’accompagnement

Qui accompagne ?

Une chose est l’accompagnement dans la démarche de catéchuménat, une autre cet accompagnement spécifique. Le but n’est pas le même. Les moyens non plus.

Il est donc important que des accompagnateurs spécifiques soient désignés dans ce sens.

L’accompagnateur ?

Qu’est-ce qu’un accompagnateur ?

C’est une personne, formée et mandatée, dont la mission est d’aider un catéchumène, au for interne, à éclairer son jugement de conscience afin qu’il puisse découvrir à quoi Dieu l’appelle dans la situation concrète dans laquelle il se trouve.

Quelles sont les caractéristiques essentielles du chemin d’accompagnement ?

  • L’accompagnateur mettra en place une relation de confiance avec le catéchumène.
  • Il situera bien son rôle qui est d’aider le catéchumène à éclairer sa conscience, et en aucun cas à décider pour lui.
  • Il fera état avec délicatesse et clarté de la contradiction de la situation du catéchumène avec la réception du sacrement de l’initiation demandé.
  • Il ouvrira à la démarche de discernement en proposant les étapes à suivre pour comprendre l’appel de Dieu dans cette situation concrète… car Dieu ne peut pas appeler à un sacrement de la foi et mener à une impasse.
  • Il donnera les moyens nécessaires au cheminement du catéchumène
    • pour qu’il s’ouvre de façon vivante et profonde à la Parole de Dieu reçue quotidiennement,
    • pour qu’il relise son histoire, ses dimensions positives et les difficultés, et ce qui a mené à la situation actuelle,
    • pour qu’il puisse inventorier les solutions concrètes qui s’ouvrent à lui,
    • pour qu’il trouve un espace de vérité et d’intériorité sous le regard de Dieu pour y recevoir son appel au profond de sa conscience.

 

Quelles sont les qualités requises pour une telle mission ?

L’accompagnateur se nourrira avec beaucoup de profit des textes suivants :

  • Evangelii Gaudium : n° 171 et 172
  • Amoris Laetitia : n°22, 291 à 295, mais aussi tout le chapitre 8

Le pape François précise qu’il ne s’agit pas de « diminuer la valeur de l’idéal évangélique », mais qu’il « faut accompagner avec miséricorde et patience les étapes possibles de croissance des personnes qui se construisent jour après jour, ouvrant la voie à la miséricorde du Seigneur qui nous stimule à faire le bien qui est possible » Al 308

Cet accompagnement sera donc fait

  • de beaucoup d’écoute,
  • de respect face à « la terre sacrée de l’autre »,
  • d’un regard qui encourage à mûrir,
  • d’une grande capacité de cœur pour trouver les gestes et les paroles à partir desquels peuvent s’ouvrir des chemins de croissance,
  • d’une grande docilité à l’Esprit.

 

Le discernement pastoral

Qu’est-ce que le discernement pastoral ?

C’est la réflexion qui revient à l’évêque, éclairé par les différents agents pastoraux en lien avec le catéchumène, et éclairé aussi par le discernement personnel du catéchumène, pour décider des chemins qui lui semblent pouvoir être empruntés pour son intégration progressive.

Quelques précisions pour sa mise en oeuvre.

  • Il s’agit toujours de témoigner de la miséricorde du Seigneur sans pour autant « renoncer à proposer l’idéal complet du mariage, le projet de Dieu dans toute sa grandeur» AL307
  • Le Pape François insiste sur la notion de gradualité qui veut que « chaque être humain va peu à peu de l’avant grâce à l’intégration progressive des dons de Dieu et des exigences de son amour… » AL295
  • Ce discernement pastoral se fait en tenant compte de la situation concrète des personnes : les conditionnements et les circonstances atténuantes (AL301 et 302), le respect de la liberté du conjoint, la situation familiale et matérielle, mais aussi la durée de la nouvelle union, la présence des enfants, etc.
  • Ce discernement tiendra compte aussi des démarches possibles pour dénouer les situations complexes, spécialement l’éventualité d’une demande de nullité du mariage si elle paraît appropriée, mais elle ne doit pas être, si possible, la proposition faite avant toute démarche de discernement.
  • Ce discernement pastoral se fera enfin en synodalité avec toutes les personnes accompagnant ou ayant accompagné le catéchumène.

En guise de conclusion

  • Il est bien évident que c’est une démarche exigeante qui demande beaucoup de délicatesse et de désir de permettre à chacun de voir comment son chemin peut devenir un chemin de croissance. C’est donc bien le souci premier d’intégration qui sera le maître-mot de cet accompagnement, et la « logique de la miséricorde » qui doit présider à l’ensemble de cette démarche.
  • Il sera donc essentiel de choisir avec soin celles et ceux qui seront habilités à accompagner ces personnes dans leur discernement. Leur formation est indispensable et une supervision nécessaire à intervalles réguliers.
  • On peut se poser la question si un tel accompagnement n’est pas nécessaire pour toute personne qui se présente au catéchuménat. Car en demandant un sacrement de l’initiation, il faut les aider à préciser ce qu’elles viennent chercher… et ce qui est obstacle sur leur chemin ou blessure à guérir.
  • Enfin, ce qui est proposé dans ce document n’est pas à suivre à la lettre, surtout dans le cheminement pour un discernement personnel. Cela dépendra naturellement de l’avancée dans la foi du catéchumène ainsi que de ses capacités de discernement.