Après 25 ans de mariage et 4 enfants, nous avons divorcé en 1997.
Elle et moi, croyants et pratiquants réguliers, depuis de nombreuses années nous étions engagés au niveau de la paroisse et dans l’action catholique : JOC, JICF, puis l’ACO.
Ces engagements nous ont permis de connaître beaucoup de monde, notamment des prêtres, mais ils ne nous ont pas mis à l’abri d’une rupture. Pourtant,
le sacrement de mariage était pour nous un engagement « pour la vie » !
Même si la procédure s’est passée « en bonne intelligence » comme on dit, l’épreuve a été très dure et, petit à petit, je découvrais mes erreurs dans notre vie de couple. Toutefois, cela n’a pas remis en cause ma foi en Dieu et je restais convaincu qu’Il ne m’abandonnait pas.
Je continuais à assister régulièrement à la messe du dimanche, mais pas dans ma paroisse, pour éviter certaines personnes.
J’ai aussi eu la chance d’avoir une famille toujours accueillante, et des amis sur qui je pouvais compter dont plusieurs prêtres. Michel, un prêtre, m’a fait découvrir le bulletin trimestriel de l’association « Chrétiens divorcés, chemins d’Espérance ». Les témoignages que j’y ai lu m’ont apporté un grand réconfort et m’ont permis de constater que beaucoup d’autres personnes vivaient la même épreuve que moi.
En 2000 j’ai rencontré Annie, et nous avons décidé de vivre ensemble en 2001.
Elle était séparée depuis plusieurs années et, à l’époque, avait un fils de 13 ans.
A partir de ce moment-là je ne suis plus allé communier.
Nous nous sommes mariés le 6 février 2014 et, avec un prêtre, nous avons préparé un temps de prière avec nos familles et des amis proches.
En 2016 la sortie de l’exhortation apostolique « Amoris Laëtitia » a été une excellente nouvelle pour beaucoup. Et que le Pape écrive dès l’introduction : « que tous se sentent interpellés par le chapitre 8 » a attiré notre attention.
Un an après, le 7 octobre 2017, l’archevêque de Reims de l’époque
(Th. Jordan) et son évêque auxiliaire (Br. Feillet) adressaient aux prêtres et diacres du diocèse une lettre intitulée « Accompagner, discerner et intégrer la fragilité », dans laquelle ils désignaient 7 prêtres pour accompagner les personnes sur la voie du discernement, telle que définie dans Amoris Laëtitia.
Malheureusement, cette lettre a été peu diffusée, si bien que 3 ans ½ après
très peu de personnes ont suivi un chemin de discernement dans le diocèse de Reims-Ardennes.
Faisant partie des quelques personnes ayant eu connaissance de la lettre des évêques j’ai pris la décision, début 2018, de suivre moi-même un chemin de discernement. J’avais le choix parmi les prêtres figurant sur la liste, et c’est un prêtre que je connaissais très peu que j’ai contacté afin de se sentir plus libre l’un et l’autre. Il accepta et notre 1ère rencontre eut lieu le 31 janvier 2018.
Puis, nous nous sommes vus une dizaine de fois jusqu’au 28 novembre 2018.
Chaque rencontre, en tête-à-tête, a duré entre 1h30 et 2h.
Quelques mots sur la méthode suivie dans ces rencontres.
J’ai suivi seul ce chemin de discernement.
Je citerai Patrick LANGUE, jésuite, qui dans un ouvrage récent a écrit :
« Le discernement préconisé par le Pape François est absolument personnel.
Ses conclusions ne valent que pour la personne qui a parcouru un chemin unique et que nul autre ne peut explorer à sa place. »
Mon accompagnateur et moi avons convenu ensemble de nous sentir libre, l’un et l’autre, pour interrompre les rencontres quand on voulait.
Il m’a aussi appris qu’il n’y avait eu aucune réunion entre les 7 prêtres accompagnateurs concernant la mise en place de ces chemins de discernement, et que rien n’était prévu pour mettre en commun les expériences vécues.
Concrètement voici comment s’est déroulé mon chemin de discernement.
Nous avons convenu d’un plan en 3 parties basé sur les disciples d’Emmaüs :
A la fin de chaque rencontre l’accompagnateur m’a proposé un thème de réflexion avec des questions, me permettant de préparer la rencontre suivante.
Voici quelques-uns de ces thèmes :
Pour chacune de ces pistes une réflexion partagée a eu lieu et l’accompagnateur m’a apporté un éclairage réconfortant et spirituel.
Fin novembre 2018, nous étions à l’avant-veille du 1er dimanche de l’Avent.
J’ai senti en moi que ce parcours m’avait permis de dire mes regrets, mes doutes et aussi mon espérance, et je pensais que c’était le moment d’arrêter.
J’éprouvais aussi en mon for-intérieur le besoin de retourner communier.
Après lui en avoir parlé, Patrice (mon accompagnateur) me précisait que le retour à la communion était une décision qui m’appartenait à moi seul.
En réponse, je lui ai dis que je ne retournerai communier que si, lui, acceptait de me donner le sacrement de réconciliation.
Il accepta, et là … il s’est passé quelque chose qui m’a fortement bouleversé.
Patrice m’a dit : « Attends-moi quelques minutes, je vais chercher mon vêtement sacerdotal dans ma voiture ».
Et c’est revêtu de son aube qu’il me donna l’absolution.
Mon émotion fut très forte et je me disais que Dieu n’était pas loin.
Le dimanche suivant était le 1er dimanche de l’Avent : je suis allé à l’église où mon accompagnateur célébrait et, en toute humilité, je suis allé communier.
Alors qu’est-ce que je retiens de ce chemin de discernement ?
Peut-être serez-vous surpris si je vous dis qu’aujourd’hui je ne ressens pas plus la présence de Dieu à mes côtés que durant les années où je me suis privé de l’eucharistie.
En pensant à mes frères et sœurs qui restent à leur place au moment de la communion, j’ai décidé de n’aller communier qu’au moment des principales fêtes de l’année liturgique ou lors d’un événement familial. Pour moi qui ne suis pas allé communier pendant de longues années, je ne voudrais pas que la communion devienne une simple habitude.
Ce chemin de discernement m’a permis de retrouver l’accès à l’ensemble des sacrements, et c’est celui de la réconciliation qui m’a paru le plus important.
Retrouver l’accès aux sacrements, c’est aussi rejoindre la communauté des croyants, et pour moi cela signifie « être intégré ».
Je reconnais être un privilégié pour avoir pu suivre ce chemin et je remercie encore mon prêtre-accompagnateur pour son écoute, les nombreux éclairages qu’il m’a apporté au travers du récit de ma vie, et pour tout le temps qu’il m’a accordé. Il m’a permis de me sentir à nouveau en paix avec Dieu.
Alors, si on me demande ce qu’est un chemin de discernement,
je dirai d’abord que ce n’est pas :
Mais, suivre un chemin de discernement c’est :
J’encourage fortement, tous ceux et celles qui ont la possibilité de suivre un tel parcours à le faire.
Aujourd’hui, en 2021, le Pape nous demande d’approfondir Amoris Laëtitia.
J’espère que cette exhortation sera mieux connue et que nos évêques saisiront cette occasion pour mettre en place les chemins de discernement prévus dans le chapitre 8.
Qu’ils désignent pour cela des accompagnateurs formés à cet effet.
Et surtout, que l’ensemble des fidèles en soient informés.
Je termine par une citation du Pape François dans l’exhortation « Gaudete et Exultate » :
« Ce qui importe, c’est que chacun discerne son propre chemin, et mette en lumière le meilleur de lui-même, et ce que le Seigneur a déposé de vraiment personnel en lui ».
Merci à tous