« Prendre soin de l’humanité des détenus »

« Prendre soin de l’humanité des détenus »

« Prendre soin de l’humanité des détenus »

Entretien publié dans Paris Notre -Dame :>>>

Propos recueillis par Laurence Faure

Le P. Pierrick Lemaître, prêtre de la Mission de France, ancien aumônier à la prison de Fleury-Mérogis (Essonne), a, depuis septembre 2019, intégré l’aumônerie catholique de la maison d’arrêt de Paris – La Santé. Un an après les débuts de la crise sanitaire, il revient sur l’accompagnement des détenus dans ce contexte.

 

Paris Notre-Dame – Que s’est-il passé depuis un an ?

Pierrick Lemaître – Entre mars et mai 2020, les aumôneries de la maison d’arrêt de Paris – La Santé (14e) ont dû suspendre les visites en cellule, ainsi que, pour nous catholiques, la célébration des messes dominicales et l’animation des groupes bibliques. Nous avons gardé un lien individuel avec les détenus par courrier postal ou par téléphone. De retour en mai 2020, nous nous interrogions : comment allions-nous les retrouver ? Cela a été une grande joie. Pour eux, c’est très important de nouer une relation avec l’extérieur, que nous puissions les écouter, prier ensemble. Actuellement, pour les visites individuelles de détenus, les aumôniers ont la possibilité de les recevoir dans un bureau (et non plus en cellule, comme avant). Depuis septembre 2020, la messe dominicale est à nouveau célébrée sur place, en respectant des jauges de participants et un protocole sanitaire strict, tout comme pour les groupes bibliques du samedi. Les détenus ont donc pu célébrer Pâques cette année en présentiel. Nous avons aussi organisé un Chemin de croix du Vendredi sainten reprenant celui du pape François au Vatican en 2020 – réalisé avec l’aumônerie d’une prison de Padoue (Italie).

P.N.-D. – Comment se déroule la visite d’un détenu ?

P.L. – Ceux qui demandent à nous voir souhaitent s’inscrire à la messe, recevoir une bible, un chapelet… et nous échangeons à partir de là. On ne connaît jamais la raison de leur internement à moins qu’ils ne nous la confient. Nous sommes d’abord là pour écouter. On voit défiler les visages de leurs enfants, de leurs familles, leurs difficultés quotidiennes, leur histoire souvent cabossée. Ils nous partagent leur recherche intérieure, la place de la prière dans leur journée… C’est d’autant plus impressionnant que les gars, parfois, n’ont jamais ouvert la Bible. Et ils se mettent à lire l’Évangile et les psaumes. Alors, on prie avec eux. Et on porte le tout en communion à la messe.

P.N.-D. – Quel est le rôle de l’Église en détention ?

P.L. – Visiter un détenu en prison, c’est prendre soin de lui, de son humanité. L’Église est dans son rôle quand elle participe à humaniser la société. À La Santé, les aumôniers catholiques sont en contact avec près de 200 détenus – sur près de 900 personnes internées – et une soixantaine suit nos activités. En 2020, nous avons eu deux demandes de baptême et une demande de confirmation. Nous sommes témoins de beaux chemins… À côté du travail de la justice, irremplaçable, nous venons leur dire, « Dieu ne vous réduit pas au mal que vous avez causé. Il offre toujours un avenir et son pardon est offert ». Le mal commis, dont ils portent lourdement le poids, nous renvoie aussi à nous-mêmes. Le Dieu auquel on croit n’est pas une idée philosophique, c’est une personne qui vient nous rejoindre, en particulier en ce moment de Pâques. Il vient au plus bas de la condition humaine pour nous relever.

 

Repères

 L’aumônerie catholique de La Santé compte six aumôniers bénévoles (cinq laïcs et le P. Pierrick Lemaître), ainsi que cinq auxiliaires bénévoles, sous la responsabilité de Jean de Castries, aumônier (laïc) titulaire. D’autres prêtres et fidèles du diocèse contribuent ponctuellement à la mission cultuelle de l’aumônerie.

En dehors de l’aumônerie, de nombreuses initiatives solidaires (réinsertion, accueil des familles de détenus…) sont portées par des fidèles et paroisses du diocèse, animées par la Délégation pour la solidarité.

 

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