Déclaration du cardinal Liénart et Jean Vinatier, vicaire général de la Mission de France, le 3 juin 1956 à propos des prêtres de la Mission de France expulsés de Souk-Ahras

Déclaration du cardinal Liénart et Jean Vinatier, vicaire général de la Mission de France, le 3 juin 1956 à propos des prêtres de la Mission de France expulsés de Souk-Ahras

 

 

Ce texte du cardinal Liénart de 1956 résonne comme un écho à l’actualité de ce début d’année.

 

Déclaration du cardinal Liénart, prélat de la Mission de France, et Jean Vinatier, vicaire général de la Mission de France, le 3 juin 1956 à propos des prêtres de la Mission de France expulsés de Souk-Ahra.

 

Trois prêtres viennent d’être expulsés de Souk-Ahras, patrie de Saint Augustin, par la force publique contre la volonté formelle et malgré les protestations solennelles de leurs évêques d’Algérie, malgré les démarches du prélat de la Mission de France auprès du chef du gouvernement. Il est de notre devoir de déclarer que cette expulsion est contraire à la fois à la Justice et à la Paix.

1° Nous faisons nôtre la déclaration de son Excellence Mgr Pinier, évêque de Constantine et de Souk-Ahras :

« Devant l’émotion soulevée par l’affaire des prêtres de la Mission de France de Souk-Ahras, et pour couper court à toute interprétation erronée, l’évêque de Constantine déclare que ces prêtres ont été fidèles à la mission spirituelle qui leur a été confiée, qu’ils n’ont pas failli à leurs obligations de citoyens français en Algérie et qu’ils ont donné l’exemple de la charité envers les pauvres et les malheureux. Il tient à leur exprimer sa profonde sympathie et sa vive gratitude. »

2° Nous faisons nôtre et approuvons la déclaration lue en chaire par l’équipe sacerdotale de Souk-Ahras, le 29 janvier dernier, et reproduite par la presse.

3° Nous affirmons d’autre part au nom de la conscience chrétienne :

Tout prêtre a le droit et le devoir de porter aide et assistance à des malades ou à des blessés, quels qu’ils soient : il est contraire aux droits imprescriptibles de l’humanité de l’en empêcher. Tout prêtre a le droit et le devoir de nourrir des affamés, de vêtir des indigents, d’exercer la charité sous toutes ses formes ; aucune raison d’État ne saurait l’empêcher d’être ainsi le signe de la paternité universelle de Dieu.

4° Nous pouvons affirmer avec les évêques d’Algérie, que l’équipe sacerdotale de Souk-Ahras a poursuivi au-dessus des luttes meurtrières une œuvre d’humanité et de justice favorable au retour de la paix.

  • protestant sans faillir contre les crimes, les incendies, les meurtres d’innocents venant d’un côté ;
  • protestant avec la même force contre les répressions collectives, les tortures policières, les destructions de villages venant de l’autre côté ;
  • accueillant tous les européens venus demander une aide sacerdotale ou humaine ;
  • accueillant également tous les Arabes venus se confier à elle et réunissant les uns les autres par une prière commune pour la Paix.

5° En expulsant cette équipe sacerdotale, ce qui a conduit l’évêque de Constantine à prendre la très grave mesure de fermer l’Église Souk-Ahras à la veille même du jour de l’Ascension, les autorités publiques laissant là-bas une communauté chrétienne sans prêtres, des innocents sans défenseurs, une des régions les plus éprouvés d’Algérie sans ses meilleurs artisans de Paix.

6° Nous demandons donc avec insistance que ces mesures soient rapportées. Ce serait un signe précis, de la part des services publics, manifestant qu’ils s’efforcent sincèrement d’obtenir la réconciliation des deux communautés européenne et musulmane sur le sol d’Algérie.

Ce serait un moyen efficace d’atténuer le drame qui trouble en ce moment tant de consciences.

 

Source : Lettre aux communautés, juin 1956, p. 3-5. 172

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1 commentaire

  • Pour l’avoir vécu en direct, à cette époque, je ne puis qu’approuver cette réminiscence qui, hélas, n’est que trop actuelle… Une simple remarque qui ne s’imposait pas à l’époque : quand je lis : Tout prêtre a le droit et le devoir…. je pense que écrire et dire : « Tout homme »… eut été plus pertinent : a-t-on besoin d’être prêtre pour ces devoirs d’humanité ?

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