Journée des Amis du 10 octobre à Bussy-Saint-Georges

Journée des Amis du 10 octobre à Bussy-Saint-Georges

Une esplanade de la fraternité ?

 

Les amis de la Mission de France étaient invités à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne), le samedi 10 octobre dernier. Dominique Fontaine, curé de la paroisse, nous a accompagnés toute la journée, dans un parcours sur « l’esplanade des religions ». Celle-ci a été inventée ici, depuis 1998, au moment où ce qui était alors un village, voisin du nouveau pôle de Marne-la-Vallée, anticipe son expansion démographique et économique, et le cadre humain, fraternel, qu’il veut se donner. Pari fou, engagement, et nécessité : c’est en ces termes que nous avons découvert cette réalité d’un projet aussi original qu’audacieux, et ô combien prophétique.

Prendre acte de la pluralité religieuse dans un territoire en pleine mutation.

Quand l’église de Bussy-Saint-Georges est inaugurée en 1998, elle peut accueillir 1 100 fidèles, alors que la population totale de la commune est encore de 800 habitants. C’est dire la graine de folie, ou d’anticipation, qui anime les pionniers à l’œuvre ! En rentrant dans le bâtiment, on est frappé par les effets visuels produits par l’architecture : on est bien dans un espace fermé, mais la construction offre au regard un horizon. Par la circularité et les dimensions des lieux, par l’absence de tout obstacle visuel autre que les parois du bâtiment, elles-mêmes largement vitrées, le regard porte loin, sur un horizon marqué finalement soit par la statue du Christ de l’Ascension, soit par le jeu des lumières des vitraux. Ce Christ lui-même se donne à voir comme un programme spirituel : accueillant (bras ouverts), et entraînant (suivez-moi, soyez accueillants comme moi je le suis) aussi bien que sur le départ, et donc dans la séparation (moi je m’en vais, mais quant à vous, votre place est ici, comme témoins, et témoins d’un accueil pour tous). Avec aujourd’hui plus de 30 000 habitants, Bussy-Saint-Georges a connu une croissance exceptionnelle, démographique d’abord, mais aussi sur le plan de sa diversité culturelle et religieuse. Le projet initial d’esplanade des religions, à quelques centaines de mètres de l’église, y prend tout son sens : offrir, dans l’espace public, une rue où non seulement chaque communauté a son lieu, mais également où chacun est le voisin de l’autre

Se faire le voisin de l’autre.

Sur l’esplanade en effet se succèdent les lieux de culte, où nous sommes reçus, dans une visite au pas de course, mais qui n’entame en rien la qualité de l’accueil et des échanges. À l’entrée de la rue, nous commençons par la visite de la synagogue, un simple préfabriqué depuis 2010, en remplacement duquel la communauté juive attend avec impatience le nouveau bâtiment, qui doit voir le jour un peu plus loin, sur le terrain encore vacant qui jouxte la mosquée. S’ensuivent des échanges dans le temple bouddhiste fondé par l’ordre monastique Fo Guang Shan, basé à Taïwan, à la mosquée et au centre islamique gérés par l’association cultuelle Tawba, pour conclure par la pagode Lao Wat Vélouvanaram.

Ce qui, exposé ainsi, pourrait sembler une simple proximité géographique, une juxtaposition des lieux, ne dit pas grand-chose du cœur de ce projet. C’est du côté des personnes, et de la charte commune sur laquelle elles se sont engagées, que se dit quelque chose de la vie concrète de l’aventure collective commencée il y a plus de 20 ans pour les premiers, il y a quelques années pour les derniers. Être ensemble, se faire le voisin de l’autre, est un engagement qui se fait sans calcul d’une part, et sans naïveté d’autre part. Sans calcul, car il ne s’agit pas de s’approcher de l’autre dans un esprit de prosélytisme (premier point de la charte). Sans calcul, car il ne s’agit pas non plus de se mettre en scène, mais d’avancer sur le chemin de la curiosité de la religion de l’autre (deuxième point de la charte). Sans naïveté, parce qu’on n’imagine pas que le seul dialogue va faire tomber les représentations de la distance à l’autre, ni même, parfois, la réalité de cette distance. Mais, en s’engageant à faire ensemble, à prendre des initiatives communes (troisième point de la charte), on s’expose à se connaître, à se faire confiance, et à s’estimer. À être non plus à côté des autres, mais avec eux, dans les moments de fête (célébrations communes) comme dans les moments de peine et de souffrance (comme ce fut le cas en juillet 2016 après l’assassinat du Père Hamel). Des divers témoignages entendus, on retiendra ainsi cette expérience que la connaissance de l’autre fait souvent tomber les peurs, et que celui avec lequel on n’avait jamais envisagé de faire un bout de chemin peut devenir l’hôte à notre table, que l’on est heureux de retrouver.

La fraternité, l’affaire de tous.

D’un choix politique volontariste à l’origine, l’expérience de l’esplanade est progressivement devenue, positivement, contagieuse. Si elle n’avait engagé que les responsables des différentes communautés, elle serait sans doute restée lettre morte. En devenant l’affaire de tous, responsables et fidèles, elle transforme pour chacun, pour tous, le regard, la prière, le souci du cœur des uns et des autres. Elle irrigue le quotidien des communautés. Non pas pour leur perte, comme si s’approcher de l’autre les menaçait dans leur intégrité ; mais bien plutôt dans le sens de leur ouverture à l’universalisation. À la question de savoir si l’expérience de l’esplanade avait changé sa manière d’être croyant, un des intervenants nous fait cette réponse : « cela n’a rien changé à ma foi, mais tout à ma vie d’homme ».

Construire un vécu commun, un récit partagé de ce vécu, revient ainsi à ouvrir un espace de confiance. Comment ne pas être sensible à ce qui apparaît ici, dans le projet de cette esplanade, comme un engagement exigeant, radical, nécessaire ? Comment ne pas y entendre un appel urgent, dans une actualité marquée tragiquement par la haine et la pulsion de mort ? Travailler, dans nos communautés, dans les lieux où nous sommes ancrés, à façonner une seule communauté, l’humanité ; avoir assez confiance dans sa propre tradition, et l’approfondir, non pas pour transformer la foi des uns ou des autres, mais pour changer ce qu’il peut y avoir de fermeture dans nos existences : voilà le beau programme, spirituel et humain tout ensemble, auquel cette journée nous a invités. Merci à tous ceux qui nous ont accueillis dans leur expérience de cette aventure si vitale aujourd’hui, et qui reste le pain de toute vie : la fraternité.

François Weiser

arrivée à la synagogue

devant le temple bouddhiste fondé par l’ordre monastique Fo Guang Shan,

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