sedire 8 mai Table ronde

Mission de France – Equipes Reliance – Chrétiens Divorcés Chemins d’Espérance

« Amoris Laetitia » 5 ans après…

La logique de la miséricorde – Sa mise en œuvre

TABLE RONDE – 8 mai 2021 après midi

Mgr Hervé Giraud, Alain Thomasset, Oranne de Mautort

Voici, ci dessous,  la retranscription des questions posées et des réponses apportées à la table ronde.

Toutes vos questions ont été également collectées et si elles n’ont pas pu être posées, les animateurs de la table des questions vous proposent quelques pistes de réponses

La Table Ronde

  1. N&C On a évoqué la méconnaissance d’Amoris Laetitia. Comment imaginez-vous que « l’année de la famille Amoris Laetitia » que nous offre le pape François puisse être une opportunité et quelles pistes et encouragements essentiels souhaitez-vous nous partager ?

O de M : une bonne nouvelle, une occasion pour reparler d’AL. Une formation dont on n’a pas parlé : 8 journées de formation proposées par le conseil famille et société de la CEF (Véronique Lonchamps). Demander le lien à la pastorale familiale de votre diocèse, à défaut directement  au conseil famille et société : snfs@cef.fr la prochaine session est le 27 mai 2021.

Un soutien très fort du pape François, un soutien très puissant : Amoris Laetitia est un texte qui compte. Lien au site du dicastère « Laïcs, famille et vie » dont voici le lien : http://www.laityfamilylife.va/content/laityfamilylife/fr/amoris-laetitia.html

 

AT : relance de l’intérêt des diocèses par le biais de formations, pour les prêtres et de susciter des groupes de travail et d’étude d’AL dans les paroisses et les diocèses.

HG : pour confirmer l’intérêt du pape François que j’ai rencontré en janvier 2020 en lui parlant des divorcés remariés : deux points essentiels accompagner et discerner d’une part et initier des processus d’autre part car le temps est supérieur à l’espace. C’est à l’évêque de relancer une année AL avec un nouveau paradigme : la logique de la miséricorde.

 

  1. N&C En particulier comment faire progresser la synodalité, faire progresser un évêque « trop prudent », comment faire respecter AL 300 qui demande des orientations diocésaines ? Comment faire respecter le Rescrit pontifical du 5 juin 2017 (basé sur les orientations des évêques argentins), magistère authentique qui met en avant le discernement ?

HG : Les 100 diocèses sont très différents et les sollicitations sont nombreuses. On n’a pas partout les personnes pour soutenir toutes ces initiatives. Mais il faut reprendre AL par le cœur.

 

  1. N&C Comment se former au discernement ? En particulier comment donner confiance aux prêtres et calmer leurs inquiétudes ? Y a-t-il une formation du clergé et dans les séminaires ? Des laïcs peuvent-ils et doivent-ils se former au discernement ?

AT : des formations existent au séminaire, mais des formations supplémentaires sont proposées pour prêtres et laïcs en particulier l’accompagnement ignacien, Manrèse (région parisienne), Châtelard (Lyon), et des sessions spécifique comme celle du P Patrick Langue qui intervient à Manrèse.

Aller d’abord chercher les personnes déjà formées à l’accompagnement spirituel dans le diocèse sans attendre et l’évêque pourrait mandater de telles personnes pour le discernement personnel qui est la première étape.

HG : dans mon diocèse une autre expérience de formation : mise en place d’une équipe de formation en  faisant participer des personnes divorcées remariées elles- mêmes sur une année : divers thèmes autour de « le divorce fait mal, parlons-en ». En le faisant ensemble cela nous formait pour après en accompagner d’autres.

O de M : Ne pas tout imaginer à partir de rien ! Partir de ce qui existe déjà (personnes déjà formées, personnes de bonne volonté à qui on fait confiance). Bâtir brique par brique, vouloir partir d’un projet bien ficelé conduit à l’échec.

HG : de ma rencontre avec le pape qui a insisté sur partir « dal baso », partir du bas  avec les gens  et pas avec nos idées et nos programmes bien faits. C’est une approche féconde.

 

  1. N&C En quoi le discernement, ou plutôt le moralisme est-il supérieur au légalisme ?

O de M : j’ai surtout fait la distinction entre vie morale et légalisme. Le légalisme est l’application de la loi à la lettre et donne des réponses en noir et blanc. La vie morale un travail jamais fini en recherchant dans chaque situation le mieux possible ici et maintenant en articulant les normes morales comme repères et les personnes concrètes. La loi morale n’est jamais le dernier mot du choix moral et du discernement.

AT : la morale marche sur deux pieds : la loi et les normes comme repères à la conscience et d’autre part la conscience et son discernement. Cela va ensemble. Dans AL le pape veut éviter le subjectivisme (je décide tout seul) et le légalisme. Dans notre pastorale on est trop souvent dans le légalisme : il n’y a que la loi qui compte.

 

  1. N&C Le discernement pastoral peut-il influencer le discernement personnel ?

AT : le discernement pastoral intervient en dernier. Ce qui est premier c’est le discernement personnel (au for interne, quel le pas que je peux faire). Le discernement pastoral est à l’écoute du discernement personnel. Mais c’est vrai qu’en fin de discernement pastoral se pose la question : comment concrétiser ce discernement ; que sera-t-il possible de faire ?

HG : en matière de discernement, à un moment donné on prend une décision et cette décision est bonne. Il ne faut pas attendre un discernement parfait pour prendre une décision parfaite.

 

  1. N&C Que faire si la communauté n’est pas capable, est-ce que c’est un frein pour le discernement personnel ?

HG : la question est à voir dans une attitude de dialogue.  Il y a un risque à rêver la communauté. Là encore la formation est essentielle et la prise en compte de la diversité des communautés.

AT : c’est la communauté qui en fin de compte va accueillir. Quels moyens le pasteur met-il en œuvre pour que cette communauté puisse devenir hospitalière, qu’elle comprenne les enjeux et connaisse les processus existant.

HG : il y a aussi des communautés qui ne comprennent pas si on n’accueille pas.

O de M : j’aime bien l’image de la spirale : lorsque quelqu’un entre dans un discernement personnel il le fait en étant déjà intégré dans une certaine communauté et cela va jouer. Dans la vie morale il faut aussi faire preuve d’imagination : nouveauté et dynamisme. Ne pas enfermer les communautés dans une vision statique et leur permettre d’entre dans un mouvement.

 

  1. N&C On parle de scandale : mais qu’est-ce qui fait scandale ? De quel scandale parle-t-on ?

AT : Il y a scandale de plusieurs côtés : ceux qui trouvent que ne pas accueillir les divorcés remariés à la communion est un scandale et à l’inverse ceux qui pensent qu’il est scandaleux de le faire. La crainte de certains est qu’un cheminement de discernement fragilise le sacrement de mariage : il faut dire non, c’est ce que dit le pape François : on ne dévalue le mariage lorsqu’on propose un chemin de miséricorde. La loi ne dit pas tout ; la loi est pour les hommes et non les hommes pour la loi.

HG : mon témoignage personnel dans mon expérience d’évêque dans trois diocèses différents est que jamais il ne m’a été reproché d’avoir donné la communion à des personnes divorcées remariées.

 

  1. N&C On parle de justice, on oppose justice et miséricorde : de quelle justice parle-t-on, quel est le sens que l’on doit donner à la justice ?

AT : Lorsque j’ai parlé de miséricorde et vérité j’ai rajouté le mot justice. Cela va ensemble : la justice dont je parlais est double, la miséricorde est un attribut de Dieu d’abord, nous sommes invités à vivre cette miséricorde en réponse à l’amour de Dieu. C’est pareil pour la justice : la justice de Dieu c’est sa fidélité et il nous invite à entrer dans des relations justes avec les autres. Dans Misericordae Vultus il y a deux paragraphes importants (20 et 21) sur justice et miséricorde qui ne sont pas contradictoires. Quand fait miséricorde à quelqu’un il faut aussi que justice soit faite

(Des relations justes, pacifiées qui ne sont plus dans la violence).

HG : la justice c’est une vision à 360 degré, c’est de faire attention aux autres (enfants, ex conjoint, entourage).

N&C Justesse plutôt que justice qui paraît tranchant ?

On parle plus volontiers maintenant d’être ajusté.

O de M : Le sentiment d’injustice est un sentiment très puissant, c’est une indignation éthique : c’est souvent la porte d’entrée dans un chemin moral et cela demande d’être accompagné pour sortir d’une vision légaliste. Ce sentiment nous habite et habite aussi les autres (exemple la pension alimentaire)

 

  1. N&C Plusieurs initiatives ont été présentées aujourd’hui : comment faire connaître ces initiatives ? Le conseil famille et société de la CEF n’a-t-il pas un rôle particulier à jouer dans cette communication ? Pourquoi les diocèses ne partagent–ils pas leurs initiatives et expériences ?

O de M : La question cachée : pourquoi il n’y a pas de texte commun de la part des évêques de France alors qu’il y en a de la conférence épiscopale allemande ou belge par exemple ? Il n’y a pas suffisamment d’accord des évêques pour élaborer un texte commun. Mais des initiatives très locales ont pu voir le jour.

Pour les connaître se référer à mon intervention et au livre que nous avons co-écrit avec Alain Thomasset : « Familles belles et fragiles ». Que chacun aille trouver le service diocésain de pastorale des familles et demande ce qui existe dans le diocèse, et comment on peut travailler ensemble.

Une possibilité est pour les diocèses de se regrouper pour travailler en Province ecclésiastique (exemple Clermont Ferrand).

Egalement formez-vous : ce sont des lieux de rencontre et de partage d’expériences.

AT : Tout est bon pour faire connaître. On a le droit de copier sur son copain.

Lors de mes formations dans les diocèses des évêques ont été contents que leur transmette des documents d’autres diocèses.

N&C On constate donc un manque de transparence et une opacité des sites internet diocésains sur cette question !

HG : Concernant les parcours DELTA, je les partagé, même avec la Belgique, et il est toujours disponible pour qui le demande.

 

  1. N&C On a également parlé de transversalité : comment les différents services peuvent-ils, doivent-ils communiquer ? Y a –t-il des obstacles ? Comment les surmonter ?

Quelle place les laïcs peuvent-ils prendre dans l’accompagnement et dans les témoignages ?

O de M : Le témoignage est très utile mais à manier avec précaution : ce n’est pas un raisonnement, ce n’est pas une preuve, pas une argumentation. Ce n’est pas la fin de la pensée. Le témoignage ne fait pas tout.

Pour la transversalité : allez-y n’attendez pas que cela vienne d’en haut. Chacun doit prendre sa part et s’intéresser à ce que font les autres pour chercher des chemins communs. Ce n’est pas une décision qui doit venir du vicaire général, ou de la pastorale de ceci ou cela. Il le faire par contagion.

AT : Amoris Laetitia montre la centralité de la pastorale des familles, c’est une pastorale-carrefour qui touche toutes les réalités : catéchuménat, le baptême des enfants, la préparation au mariage, la diaconie. Les familles pauvres nous disent des choses sur l’importance de la vie familiale et sa centralité et ses difficultés.

O de M : citant un extrait de notre livre à la page 45 : « quand les enfants sont retirés on vit toutes les carences. Les familles pauvres n’ont pas les moyens de se faire écouter. On est accusés de notre malheur ».

 

  1. N&C Dernière question dans un registre différent : en quoi la communion concerne la communion ecclésiale ?

AT : communier au Corps du Christ c’est faire communion avec l’Eglise. Il y a un lien. La communion ce n’est seulement une affaire personnelle c’est une affaire de participer à la constitution du corps de l’Eglise. Dans la prière eucharistique n°3 : «  quand nous serons nourris de son corps et de son sang et remplis de l’Esprit Saint, accorde nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ ». La communion ce n’est pas seulement pour moi, c’est pour constituer l’Eglise. C’est la manifestation de l’unité de tous dans la charité pour constituer le corps du Christ. Il y a un lien entre la communauté et la communion.

N&C D’ailleurs, le pape François dans Amoris Laetitia au n°186  nous dit savoir discerner le Corps, savoir discerner le corps du Christ.

Cette interprétation du pape est intéressante : ce n’est pas pour dire seulement de se réconcilier avant d’aller communier mais il pose la question : est-ce que vous n’oubliez pas des gens ?

 

  1. N&C Mot de la fin : quelles sont les raisons de se réjouir ?

O de M : Nous avons tous une famille. Cela nous concerne tous à titre singulier. Je me réjouis de cette journée et d’AL qui donnent des raisons de vivre l’amour, nous aident à vivre l’amour à reconnaître que ce n’est pas toujours si simple, que les situations compliquées, çà s’accueille et çà s’accompagne.

Je me réjouis de voir que tant de gens s’investissent. Merci à tous ceux et celles qui prennent soin les uns des autres et qui continuent même si les fruits se font un peu attendre.

 

MERCI à tous