LAC 320 : Engagez-vous !

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« C’EST EXTRA ! » par Emmanuelle et Jean-Philippe Landru  (1ère partie de l’article « L’adoption, quels déplacements ! »)

« Fils de David, aie pitié de moi. » dit l’aveugle-né, bondissant vers Jésus pour changer de vie.
Nous aussi, étions aveugles et stériles, et bondissant à ta rencontre, tu nous as, Seigneur, rendus vivants et féconds et nous avons tenté de te suivre par des chemins escarpés !

PREMIERE PARTIE : L’HISTOIRE DE L’ADOPTION DES TROIS PRINCESSES

I/ L’ENGAGEMENT DE DEPART = ADOPTER

Notre projet se voulait au départ rationnel, réfléchi, simple : en 2002 nous nous réinstallons durablement dans l’Isère, après un périple professionnel en Région parisienne et en Alsace ; nous avions deux garçons biologiques de 9 ans et 7ans ½. Nous espérions une famille nombreuse, mais devant les risques médicaux que représentaient pour Emmanuelle des grossesses supplémentaires, il a fallu y renoncer. Nous nous tournons alors naturellement vers l’adoption. Sans nous douter que des bâtons dans les roues allaient nous être mis dès le départ par ceux auxquels on s’attendait le moins : certains de notre proche famille qui n’acceptaient pas l’immixtion d’éléments extérieurs dans notre arbre généalogique[1], et certains membres de la CMDF (pas ceux de notre équipe) qui nous disaient « en conscience, et au vu de vos fragilités, nous vous le déconseillons [2]». Dit autrement, le vent soufflait fort quand il a fallu s’engager, mais pas dans notre sens ! Et pour discerner dans quel sens soufflait le vent de l’Esprit, ce n’était pas simple non plus…

Nous avons fait contre mauvaise fortune bon cœur et avons avancé dans la tourmente, dans ce marathon que constitue l’adoption internationale. En 2004 nous obtenons l’agrément pour une fratrie de 2 enfants, ce qui semblait parfaitement équilibrer nos 2 garçons. A la suite de cet agrément, nous avons élaboré une grille prenant en compte 10 critères importants pour nous[3] et nous l’avons appliquée aux associations qui s’occupaient d’adoption internationale. En moulinant tous nos critères, il s’est avéré que les associations issues d’Ethiopie arrivaient en tête. Et nous avons conclu une convention en 2004 avec une association catholique dont le nom est en soi tout un programme : « Les enfants de Reine de miséricorde »

II/ L’ENGAGEMENT CONCRETISE = 3 PRINCESSES ETHIOPIENNES QUI DEBARQUENT

Début mars 2005, la responsable de l’Association nous appelle en nous disant qu’elle pouvait nous proposer deux sœurs à l’adoption. Nous répondons favorablement et notre voyage en Ethiopie est programmé fin avril 2005. Nous commençons à leur préparer leur chambre. Mais une semaine après, nouvel appel : il n’y a pas 2 mais 3 sœurs et la 3ème n’est pas adoptable car HIV. Aucun enfant éthiopien séropositif n’a jamais pu être adopté.  Nous décidons de nous battre et finalement l’association après avoir déposé un recours devant la plus haute instance judiciaire éthiopienne, nous informe le 7 avril que les juges acceptent l’adoption de la 3ème fille. Exactement 2 semaines avant notre départ ! Il nous faut en catastrophe obtenir auprès du Conseil général une extension d’agrément. Le 15 avril, soit 6 jours avant notre départ en Ethiopie, la responsable de l’adoption de l’Isère nous reçoit pour nous dire qu’après une égalité de votes pour et de votes contre, la Directrice du Service Petite enfance avait fini par donner un avis favorable à cette extension…Et nous devons, en 6 jours, prévenir nos proches que nous ne ramènerons d’Ethiopie non pas 2 mais 3 fillettes de 2, 4 et 6 ans.

Dans tout cela, nous avons été accompagnés par notre équipe Mission de France de l’époque, l’équipe Didyme, dans laquelle nous étions rentrés en 2002, suite à l’AG de Pontigny. Ils nous ont beaucoup soutenus. De même ensuite après 2010 que notre équipe d’aujourd’hui, les Colibris. Idem des amis proches très fidèles, qui sont pour nous des bouées, au milieu d’un océan parfois houleux.

Après être allé en Ethiopie, faire connaissance avec les filles, et repartir avec elles, notre arrivée sur le sol français le 28 avril 2005, après une nuit dans l’avion sans dormir auprès des 3 filles qui ne nous connaissaient pas encore très bien, la redescente dans l’Isère depuis Roissy fut épique.

Durant les 6 premiers mois, les filles ont fait bloc et ont continué à parler amharique, la langue éthiopienne. Et il a fallu apprendre les rudiments de leur langue pour entrer en relation avec elles. Durant ces premiers temps, nous nous souvenons aussi des fugues quasi quotidiennes de notre fille ainée, au moment du coucher du soleil. Cela n’a pas été facile.

Nous avons fait une grande fête pendant un WE un an après leur arrivée, avec en point d’orgue leur baptême. Le choix de leurs parrains et marraines était pour nous essentiel pour nous aider dans l’éducation de nos filles et nous soutenir. Avec le recul, à une exception près, ils ont tous les 6 joué un rôle important dans leur construction.

Au fur et à mesure que le temps est passé, nous avons fait évoluer notre approche concernant notre fille séropositive. Nous l’avions adoptée en pensant, avec les connaissances de l’époque sur le SIDA, vivre son décès quelques années plus tard, durant son enfance. Grâce à la trithérapie et aux progrès médicaux, sa maladie est devenue chronique, et aujourd’hui elle se porte bien et n’est même plus contagieuse.

Mais un projet comme celui-ci a chamboulé toute la famille, et notamment, notre second garçon, qui avait 11 ans à l’arrivée des filles. Il a perdu sa place de dernier, et surtout a eu le sentiment d’être abandonné : « quand mes petites sœurs sont arrivées j’ai vécu cela comme un tsunami. J’ai bien cru qu’il fallait que je me retranche, que je m’isole, a-t-il dit dans son discours, le mois dernier au mariage de son frère ainé, mais finalement elles m’ont tellement apporté que je remercie mes parents de ce projet fou. » Un projet qui lui a certainement ravi une partie de son enfance, lui qui est parti très tôt de la maison pour passer son CAP puis son BP charpente et démarrer un tour de France chez les compagnons qu’il a fini brillamment à 25 ans. Notre fils ainé, a lui aussi quitté très tôt la maison dès la 2ème année de ses classes prépa aux écoles d’ingénieur. Pas de Tanguy à la maison !

Une de nos mères, qui était contre ce projet, a fini par nous dire un jour qu’elle était ravie et qu’elle avait toujours rêvé d’avoir des petites filles. De même que deux de nos autres parents. On le voit, l’arrivée des filles a vraiment chamboulé toute la famille, y compris les plus rétifs.

III/ L’ENGAGEMENT BONUS = LE HANDICAP

Après quelques années, les difficultés scolaires de nos deux grandes interrogeant, nous nous apercevons que du fait de leur retard, il faut les orienter vers une CLIS, puis vers une ULIS lycée ou un IME. Nous voici confrontés au monde du handicap mental. En 15 ans, nous en avons rempli des dossiers pour la Maison de l’Autonomie, les associations gérant des IME et des ESAT, les médecins, les juges des tutelles, l’entrée dans des foyers d’hébergement, le sport adapté, etc !

Nous avons accompagné nos filles durant toutes ces années du mieux que nous pouvions. Aujourd’hui elles ont 24, 22 et 20 ans. L’ainée aspire à une grande autonomie. Elle est encore dans un foyer mais vit dans le diffus et elle est quasi indépendante, ne croisant un éducateur qu’une fois par semaine, tandis qu’elle travaille dans un ESAT très particulier géré par l’ARIST puisqu’il s’agit d’un restaurant gastronomique au centre de Grenoble, « l’auberge Napoléon » où elle est commis de cuisine. C’est une jeune fille qui a beaucoup de qualités, qui aime recevoir chez elle des amis, faire des cadeaux, être généreuse. La seconde est aussi en Foyer à La Buisse à 4 kilomètres de chez nous. Elle va tous les jours en car à l’ESAT Ste Agnès au Fontanil où elle fait de la sous-traitance. Elle s’est beaucoup épanouie par le sport adapté et a été durant 4 ans championne de France d’escalade.

A côté de ses deux ainées et de leur handicap, notre dernière fille est parvenue à assumer une place pas évidente de cadette qui se donne la possibilité de dépasser ses grandes sœurs, à l’école, dans ses sorties, avec ses amies. Cela a mis longtemps, et cela n’a pas été facile pour elle. Mais à présent elle a trouvé sa place comme pâtissière qui travaille en saison dans des restaurants gastronomiques.

[1] Quelqu’un osant même dire : « surtout pas des nègres ! » et nos parents quittant précipitamment un repas de Noel sans prendre le dessert parce que nous leur annoncions que nous lancions notre projet d’adoption…

[2] Nous avions répondu à notre ami, un peu bravache : « une vie ce n’est pas à gérer, c’est à risquer ! » Nous ne réalisions pas encore où nous nous embarquions !

[3] Déontologie de l’A. vis-à-vis de l’enfant, implantation de l’A. dans le pays d’origine, comment sont traités les enfants dans l’orphelinat, comment sont gérés les enfants non adoptables, existence d’un projet humanitaire, couts, organiser l’adoption de façon désintéressée, délais, suivi des enfants par l’A, soutien par l’A. aux parents adoptifs, mise en réseau des parents adoptifs.

 

 

 

 

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