Les trois vies du père Jean-Paul, prêtre MDF – Aleteia

Les trois vies du père Jean-Paul, prêtre MDF – Aleteia

Le père Jean-Paul Havard, 65 ans, est prêtre-ouvrier. Aide-à-domicile dans la Creuse, il a enchaîné les expériences dans des exploitations viticoles et agricoles, au contact des populations rurales et isolées. Il revient pour Aleteia sur cette mission particulière.

On dit que les chats ont sept vies, parfois neuf. Le père Jean-Paul Havard en a eu un peu moins, mais bien remplies : prêtre-ouvrier de la Mission de France, le père Jean-Paul a enchaîné plusieurs emplois dans le monde agricole et le monde viticole, et est désormais aide-à-domicile. Né en 1959 dans une commune rurale d’Île et Vilaine, il est très tôt saisi d’un double désir : celui de travailler la terre et celui de devenir prêtre. La plupart de ses oncles sont agriculteurs, et son père travaille lui-même comme salarié agricole. Après un BTS, il commence donc à travailler à 20 ans chez un couple d’éleveurs de vaches laitières et de porcs. « Mais la question de la prêtrise n’avait pas disparu », confie-t-il à Aleteia.

À 26 ans, il entre au séminaire de la prélature territoriale de la Mission de France, basé à Lisieux. Créé en 1942 sous l’impulsion de plusieurs évêques français désireux de remédier à la déchristianisation des campagnes, ce séminaire forme des prêtres diocésains destinés à aller à la rencontre des populations rurales et ouvrières. « C’est la concrétisation de la conscience que le Christ est venu pour tout le monde, et pas que pour les baptisés ou ceux qui sont proches de la foi », explique le père Jean-Paul Havard. « C’est une mission qui obéit au réel, à la vie concrète de ceux qui sont éloignés de l’Église et de Dieu. »

Viticulture, agriculture, tâches ménagères

Ordonné prêtre en 1991 pour le diocèse de Bordeaux, il est alors intégré à une équipe destinée à travailler au plus près des milieux agricoles de la région. « Avec l’expérience que j’avais déjà, c’était assez naturel pour moi d’y aller », déclare le père Havard. Il est embauché dans grand cru de Saint-Émilion, après un entretien d’embauche au cours duquel il ne précise pas son statut de prêtre. « Lors des entretiens d’embauche, je ne me présente pas comme prêtre. Je le dis une fois que je suis embauché. Plusieurs employeurs m’ont dit que s’ils avaient su avant, ils ne m’auraient pas pris. Cela aurait forcément été plus compliqué pour exercer la mission après », explique-t-il. C’est dans ce domaine viticole que le père Jean-Paul travaille aux côtés des autres salariés, pendant dix ans, jusqu’en 2001, avant de partir pour le diocèse de Nîmes où il est embauché dans un verger. « Pendant toutes ces années, c’est avant tout une relation de travail qui se construit. Les gens ont besoin d’avoir confiance avant de parler de choses plus profondes », détaille-t-il. « Le collègue prend le pas sur le prêtre. On n’arrive pas dans une exploitation en affirmant sa prêtrise. »

En 2014, le père Jean-Paul quitte le sud pour poser bagages dans les hauteurs savoyardes. Prêtre de la paroisse Saint-Bruno de Chartreuse, il devient salarié dans une petite exploitation de trois agriculteurs en Isère. Et premier témoin de la solitude des paysans, luttant pour leur survie et leur reconnaissance. « D’être avec eux au quotidien m’a donné à voir une nouvelle fois les difficultés auxquelles les agriculteurs font face. Certaines sont surmontables, d’autres ne le sont pas. Beaucoup se sont suicidés dans le diocèse. On côtoie le deuil au plus près. Parfois, il mène à la révolte, car la question de la mort est incomprise. »

 

Évangéliser en terres rurales

Pour le père Jean-Paul, travailler dans ces milieux ruraux et ouvriers pousse à repenser la question de l’évangélisation. « En tant que prêtre ouvrier, j’ai dû adopter une posture de dialogue, et non d’affirmation. On ne peut pas arriver parmi ces gens éloignés de l’Église et de la foi et brandir ce en quoi l’on croit comme une vérité à laquelle il faut souscrire », assure-t-il. « Évangéliser passe plus par le don et notre façon d’être que par la parole, le témoignage verbal. »

Aujourd’hui, le père Jean-Paul Havard est aide-à-domicile dans la Creuse, dans le Plateau de Millevaches, tout en participant à la vie de trois paroisses du diocèse de Limoges. Il continue d’assurer des remplacements d’agriculteurs de temps à autre. « Cela me change de mes dernières expériences, c’est sûr », reconnaît le père Jean-Paul. « Mais c’est aussi un métier très humain, où les gens se confient sur leur vie. D’autres sont tout à fait muets. C’est très aléatoire ! » Dans deux ans, le père Jean-Paul prendra sa retraite. Bien méritée, sans doute. « Je ne suis pas pressé. J’aime ce que je fais, et j’aime cette mission », sourit-il. « On peut servir Dieu de tellement de manières différentes. Et celle-ci en fait partie. »

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