L’Evangile lu à une table d’Asie – n°35 de janvier 2016

L’Evangile lu à une table d’Asie – n°35 de janvier 2016

« Femme » de Cana à la croix. 

Evangile selon saint Jean 2,1-11, tel que les gens l’entendent à la messe.

En ce temps-là, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples. Or, on manqua de vin. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. » Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » Sa mère dit à ceux qui servaient : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » Or, il y avait là six jarres de pierre pour les purifications rituelles des Juifs ; chacune contenait deux à trois mesures, (c’est-à-dire environ cent litres). Jésus dit à ceux qui servaient : « Remplissez d’eau les jarres. » Et ils les remplirent jusqu’au bord. Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent. Et celui-ci goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais ceux qui servaient le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau. Alors le maître du repas appelle le marié et lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. » Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »

Chers amis et proches, une fois de plus cette page d’Evangile repasse à la table où je suis assis ! Jean l’Evangéliste qui nous a laissé ces lignes, a bien réfléchir quand il a composé ce récit de Cana. Je vous partage quelques échos en moi de sa lecture, attentif à quelques mots, apparemment pas les plus importants. Mais je crois que tous les mots, même les plus humbles, portent le sens d’une ‘Parole ‘. Je ne crois pas qu’il y ait un sens sans ou avant les mots de cette Parole d’Evangile.

« La mère de Jésus était là. Jésus aussi… ». J’aime ce « Jésus aussi.. », il enracine l’Incarné dans le quotidien de la vie ordinaire. Jésus n’a pas besoin d’écarter quelqu’un de son chemin, surtout pas sa mère, pour aller vers « son heure ». Il ne prend pas la place de … il est là, lui ‘aussi’.

Et il est « invité ». Je retiens que l’incarnation de Dieu contient une dimension d’invitation par les hommes et femmes qu’il rejoint ainsi. Qui dit invitation dit aussi son contraire, c’est-à-dire le rejet comme à l’auberge de Bethléem. Tout n’est pas joué d’avance par Dieu dans son aventure dans l’humanité.

La préséance de la « mère de Jésus » sur son fils, dans ce récit, me semble devoir être notée. Elle fait de Marie une figure dans la lignée du Baptiste, une qui prépare le chemin. Dans la Bible, peu de femmes sont identifiées comme prophétesses. La tradition qui a constitué le livre des Evangiles n’a pas voulu que des femmes portent le nom d’apôtre. Le dialogue entre Marie et Jésus : «Ils n’ont pas de vin… Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue» est comme une anticipation christique dans laquelle cette « Femme » tient véritablement une place prophétique et même apostolique. Basant ce dialogue sur le manque de vin, Jean l’Evangéliste anticipe la cène, indiquant qui y versera le vin devenu sang. Cette façon de Jésus d’appeler sa mère «Femme» renforce l’identification de Marie bien en avant de la maternité de l’enfant Jésus. L’autre usage du mot « Femme » par Jésus pour appeler sa mère sera au pied de la croix (Jean 19,26). Ainsi l’Evangéliste encadre t-il tout son récit, du « commencement des signes » à Cana jusqu’à l’accomplissement des signes sur la croix, entre ces deux ‘personnages’ : d’une part le vin qui manque et qui sera versé, d’autre part la figure de celle que Jésus n’appelle pas ‘mère’ mais « Femme » avant de l’appeler à nouveau « Femme » pour la dire à nouveau ‘mère’, celle de l’apôtre Jean.

Je me suis arrêté à d’autres mots de ce récit de Jean. Tout d’abord les « jarres de pierre vides ». Là encore, Jean a construit son Evangile entre Cana et la Passion – Résurrection, entre des jarres de pierre vides et un tombeau de pierre vide. Ensuite les mots du ‘secret messianique’ porté par « les serviteurs qui le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau». Quel lien entre ces mots ? Il faut du vide, il faut du manque, et j’ai presque envie d’ajouter ‘il faut de la pierre ou bien encore il faut du Pierre, pour que « vienne l’heure » de Jésus le Christ. Pour être dans le secret messianique il faut avoir été de ceux qui puisent l’eau qui étanche la soif des frères et soeurs. Il faut être serviteur.

L'Evangile lu à une table d'Asie - 35 - janvier.2016

Noces de Cana. Cyr Manuel Evgenikos 1384

Dans quelques jours va s’ouvrir aux Philippines, dans la ville de Cebu (plutôt vers le sud de l’archipel), le 51ème Congrès eucharistique international. Il aura pour thème « la présence du Christ en nous et parmi nous », à partir de ce verset de l’Epître aux Colossiens (1, 27) : « Le Christ est parmi vous, lui, l’espérance de la gloire ! ». L’insistance est mise ici sur un ‘parmi vous’ fortement marqué d’une part par la grande pauvreté directement liée à une gouvernance du pays rongée jusqu’à l’os par la corruption, et d’autre part par le malheur des catastrophes naturelles et écologiques. La citation de Colossiens parle de gloire, c’est-à-dire de ‘qui est Dieu’, ce que nous pouvons en connaître. Cebu est la seconde plus grande agglomération de l’archipel, au coeur des îles Visayas qui ont été les plus meurtries ces dernières années par les typhons et tremblements de terre. Le ‘en vous’ est explicitement mis en lien ici avec le caractère ‘résilient’ que d’aucuns attribuent aux Philippins, en faisant un lien entre cette résilience et la foi des plus pauvres d’ici au Christ.

La page de Cana peut-elle être retenue par les experts du Congrès de Cebu comme une métaphore eucharistique ? Le récit de l’institution de l’eucharistie a déjà un double métaphorique en Jean 13, le lavement des pieds. Cana, lu aujourd’hui et ici aux Philippines, enrichit beaucoup le récit de l’institution eucharistique en y faisant de la place à ‘Femme’ et à ‘Serviteurs’ , à l’instar du récit du lavement des pieds.

Jacques, à Manille chengyaulcu@hotmail.com

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