Ministère de prêtre au travail

Ministère de prêtre au travail

Article publié dans Diacres 94, bulletin de liaison des diacres du diocèse de Créteil, avril 2021.

 

Au chapitre 9 de l’évangile de Luc, Jésus envoie ses apôtres en mission, puis lorsqu’ils reviennent les foules se rassemblent et c’est le passage de la multiplication des pains : Mission et Eucharistie.

La Mission c’est sortir, aller à la rencontre de ceux qui ne connaissent pas le Christ. L’Eucharistie c’est le rassemblement. Comment ça s’articule ? Rassemblement et sortie ? Communion et annonce ? Prière commune des cathos et rencontre de tous… Est-ce une articulation comme une tension ? ou plu- tôt comme les deux phases d’une pulsation cardiaque ? ou encore un flux et un reflux…

J’ai été ordonné prêtre il y a bientôt 13 ans. Je fais partie de la Mission de France au sein de laquelle nous faisons le choix d’être prêtre au travail pour rejoindre ceux dont l’Eglise est loin…Pourquoi être prêtre au travail ? est-ce que ce n’est pas un ministère diaconal ? ou est-ce qu’il n’y a pas des besoins de prêtre ailleurs ?

J’ai d’abord été envoyé à Nîmes dans le sud de la France en cité. Une cité immense (25000 personnes environ). J’ai bossé dans un entrepôt de la grande distribution où ça grouillait comme dans une fourmilière. Une foule de gens qui m’a renvoyé au regard de Jésus sur les foules et m’a interpellé : les divisions français / étranger, titulaires / intérimaires, efficace ou pas, livreur / livré, … sont à l’opposé de la perspective de communion reçue du Christ. Personne n’attend un prêtre là, et ce que je perçois de cette façon d’engager le ministère c’est que, même si on est toujours de passage, elle n’a de sens que si on dure. Je ne sais pas si ma façon de vivre a témoigné du Christ… Je n’ai évidemment pas la main sur ce que les copains de boulot ont perçu. Mais ce qui compte c’est d’être là, de vivre la rencontre, et de chercher à garder vivante la relation au Christ qui me précède dans l’entrepôt : Comment est-il présent ? Comment se manifeste-t-il ? Si je ne suis pas moine, je cherche à ce que mon regard soit contemplatif, un regard de chercheur… parce que je crois le Christ présent en chacun et que, dans la rencontre, il se révèle, il se manifeste dans la relation. Est-ce qu’à partir de là je peux vivre le ministère de communion, d’unité ?

C’est aussi quelque chose qui m’habite quand je célèbre : « pour vous et pour la multitude » ou encore « heureux les invités au repas du Seigneur ». Nous célébrons la messe pour tous, pour ceux qui n’y sont pas, pour les invités qui ne sont pas rassemblés.

Depuis que je suis à Ivry, j’ai travaillé à temps partiel dans une entreprise qui fait des inventaires dans toutes sortes de magasins. Les conditions y sont difficiles : horaires décalés, étudiants et travailleurs précaires qui cumulent 2 ou 3 jobs pour s‘en sortir, les plus lents sont « jetés » des inventaires dès qu’ils sont considérés inutiles… On me demande parfois : pourquoi faire un boulot qui n’a pas de sens ? J’y suis resté tant que j’ai pu pour y rencontrer les travailleurs précaires et vivre ces conditions avec eux.

L’Eucharistie est offrande. A l’offertoire on peut tout déposer y compris ce que l’on n’aime pas et ce qui n’a pas de sens. L’Eucharistie nous met dans la dynamique pascale : même la mort est devenue pas- sage. Tout est transformé : ce qui n’a pas de sens peut en trouver un. Nous célébrons tous les passages à vivre, et l’eucharistie nous transforme si nous voulons accueillir ce qui nous est donné.

Et puis je reprends ce que Madeleine Delbrêl disait au fondement du groupe « la charité » qui s’installait à Ivry : il ne s’agit pas de « travailler pour le Christ, mais de revivre le Christ au milieu d’un monde déchristianisé, (…) d’être le Christ pour faire ce que fait le Christ ». Etre là, sur nos lieux de vie, de travail, et renvoyer à un autre que nous. Et ce n’est possible que si notre relation au Christ est vivante. L’Eucharistie est au cœur de cette recherche, pour devenir ce que nous recevons.

Rechercher le Christ et chercher à le manifester. Flux et reflux.

Bruno Régis, prêtre de la Mission de France

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