Quelle place pour les femmes dans l’Église ?- La Croix

Quelle place pour les femmes dans l’Église ?- La Croix

Faire le point sur les relations entre hommes et femmes en Église, tel était le programme d’une journée d’études organisée au Centre Sèvres à Paris jeudi 25 mai. En découlent plusieurs pistes de réflexion pour redéfinir l’égalité entre baptisés.

Le Centre Sèvres dans le VIe arrondissement de Paris était en ébullition en ce matin de printemps. Cet institut d’enseignement supérieur et de recherche jésuite organisait, jeudi 25 mai, une journée d’études consacrée à la place des femmes dans l’Église, fruit de trois longues années de travail.

Le théologien Étienne Grieu, recteur du Centre Sèvres, en a décrit les enjeux en introduction : « En cette veille de Pentecôte, nous avons bien besoin de l’Esprit Saint pour inventer un nouveau chapitre de la relation Homme/Femme dans l’Église ».

L’Église a besoin de tous les baptisés

Ce nouveau chapitre, nombreux sont ceux qui l’attendent, d’après les remontées de terrain issues du synode sur la synodalité, dont a fait part François Odinet, prêtre du diocèse du Havre. Parmi les éléments majeurs à ressortir des conclusions synodales, le fait que les femmes sont très nombreuses à s’investir dans le fonctionnement de l’Église mais peu à avoir voix au chapitre dès lors qu’il s’agit de décider.

« Préférer le dévouement des femmes à leur discernement est une entrave à ce que l’Église peut apporter au monde », estime le père Odinet. Remonte également la volonté de laisser les femmes accéder à la prédication et au diaconat, voire, pour certains, à l’ordination sacerdotale.

En résumé, retrace François Odinet, le synode a permis de faire émerger l’idée que « l’édification de l’Église est mise en danger par la sous-estimation des capacités des baptisés, hommes et femmes ».

« Quand on est qu’entre hommes, il y a quelque chose qui ne suffit pas »

De fait, le succès de certaines initiatives déjà en place en France prouve que les femmes ont beaucoup à apporter dans l’exercice de la responsabilité en Église. Anne Soncarrieu, déléguée générale pour la Mission de France depuis quatre ans, fait état d’une véritable culture de la répartition des rôles qui l’a menée à ce poste et de tous les fruits portés par cette culture : « En quatre ans, il n’y a pas eu une décision qui ait été prise sans que j’y sois associée ».

Si elle trouve à son rôle une dimension ministérielle, du fait « qu’il y a quelque chose d’une mission et d’un envoi », elle insiste sur le fait qu’elle n’est pas un « vicaire général au féminin ». De fait, « le lien que le vicaire va avoir avec les prêtres est vraiment différent et particulier et cette différence est à respecter » , tient-elle à souligner.

Son rôle n’est pas le pendant d’un autre, il est nécessaire en soi. « Il ne s’agit pas seulement d’une manière de se réorganiser, mais plutôt de réécouter ce que Jésus dit quand il demande à Marie-Madeleine : Va trouver tes frères. »

Une vision que partage l’archevêque de Sens Auxerre et prélat de la Mission de France, Mgr Hervé Giraud : « Quand on n’est qu’entre hommes, il y a quelque chose qui ne suffit pas ». Mais les femmes, si elles ont toujours été présentes dans ses équipes, ne l’ont jamais été uniquement parce que femmes, mais selon leurs compétences, souligne-t-il. « Il faut repérer les talents, les besoins, les personnes. Je crois qu’on avance en marchant, j’ai essayé d’innover et les contours de ces fiches de postes restent à perfectionner. Mais qui ne fait rien n’a rien ».

Marie-Anne Florin, déléguée générale du diocèse de Poitiers, note combien la présence des femmes dans les conseils épiscopaux est nourrissante pour les processus de décision. « La présence des laïcs et des femmes oblige à un processus d’altérité, à quitter l’entre-soi, à entrer dans une démarche d’écoute et à délibérer autrement », résume-t-elle.

La plus grande richesse découle peut-être de la liberté de parole dont jouissent les laïcs en comparaison des clercs au sein de ces conseils épiscopaux : « On apprend ainsi à parler avec franchise, à ne pas être d’accord. Cela contribue à faire émerger une parole divergente. Or c’est ce qui permet le réel discernement », analyse-t-elle.

Bien sûr, toutes s’accordent à dire qu’être pionnière en la matière et travailler dans une réelle réciprocité n’est pas chose facile tous les jours. Monique Baujard, ancienne directrice du Service Famille et Société à la CEF, regrette notamment que « la parole d’un prêtre ait toujours, en tout état de cause, plus de poids que celle d’une femme, même diplômée, même en responsabilité. Il est ancré dans nos mentalités qu’en matière de foi, les laïcs sont incompétents ».

Mais elle se dit confiante de voir un jour les initiatives en place créer de nouvelles habitudes et permettre au droit et aux mentalités de suivre. « Il faut insister sur les compétences, abonde Anne Soncarrieu, et ne pas s’installer dans des postes, afin que les responsabilités tournent pour creuser justement cette coresponsabilité entre hommes et femmes, prêtres et laïcs ».

Les femmes au temps de Jésus

Pour que ces initiatives se multiplient, il est nécessaire de « comprendre les réticences », argumente Luca Castiglioni, prêtre et théologien, auteur de Filles et fils de Dieu. Une manière d’articuler égalité baptismale et différence sexuelle. Pour lui, l’une de ces réticences se trouve dans la conception de la masculinité, dont il propose une relecture à partir de la vie de Jésus.

Jésus s’est placé en dehors de la société patriarcale de l’époque, il était un marginal. « Une prise de distance avec le pouvoir qui lui a permis de tisser des relations avec des femmes très différentes, d’entraide, de symétrie ou de confidence amicale comme avec Marie-Madeleine », retrace l’auteur.

Jésus n’impose pas d’image prédéfinie de la féminité et « ne définit nulle part le rôle de la femme dans l’Église ou dans le monde », ajoute-t-il. Il en va de même pour l’homme, dont il présente néanmoins la force véritable comme « celle de savoir aimer et servir, explique le théologien : « Jésus emploie sa force virile pour aimer jusqu’au bout ».

Cette lecture des premiers temps de l’Église, la religieuse xavière Joëlle Ferry, docteure en théologie et en histoire des religions, propose également de s’y référer. Le rôle des femmes dans les premières communautés chrétiennes était plus large que celui qu’on leur confère aujourd’hui, avance-t-elle à partir des écrits de saint Paul, dans lesquels sont cités au moins 18 noms de femmes.

Toutes sont présentées comme d’étroites collaboratrices. « Certaines d’entre elles furent des femmes d’exception au service de l’annonce de la Bonne Nouvelle », explique la spécialiste de l’histoire des religions. « Paul ne réserve pas aux hommes le soin de conduire l’assemblée, ni ne l’interdit aux femmes », ajoute-t-elle. La seule condition nécessaire selon Joëlle Ferry : « Le faire dans l’humilité du service et non dans un désir de pouvoir et de domination ».

 

 

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