Des flèches de lumières à travers l’obscurité…

Des flèches de lumières à travers l’obscurité…

« J’écris sur des fleurs, […] un autre jour je choisirai un sujet encore plus mince, plus humble si possible. […] Les aventures d’une feuille de cerisier. […] Ce qui fait événement, c’est ce qui est vivant, et ce qui est vivant, c’est ce qui ne se protège pas de sa perte »

Christian Bobin, l’auteur de ces mots extraits de l’Autoportrait au radiateur, était à l’honneur cet été au festival de théâtre de rue d’Aurillac, et en particulier au sein du collectif de la Patate Douce qui proposait une mise en musique de cette véritable ode à la vie, ode à la contemplation, ode à la sobriété.

Aurillac, c’est environ 30 000 spectateurs par jour et 700 compagnies de théâtre qui investissent les rues du centre-ville. Certaines de ces compagnies se donnent enreprésenatation sur un bout de trottoir, à l’improviste. Le défi habituel dans ce type de spectacles (retenir l’attention des passants), est ici, dans le cadre d’un festival, légèrement facilité. D’autres, regroupées en collectif créent des espaces de vie, éphémères, permettant les meilleurs conditions d’accueil et de représentation possibles. Leur défi est de faire venir des spectateurs faisant face à une concurrence riche, dans ces lieux un peu éloignés.

C’est un de ces collectifs (la Patate Douce), que nous avons rejoint cet été avec une équipe du Service Jeunes. Pour participer à la vie du lieu (restauration, accueil des spectateurs, installation des décors…), côtoyer artistes, techniciens, festivaliers habitués ou occasionnels, riverains, autres bénévoles. Il faut adapter son mode de vie à celui d’un groupe, un groupe hétérogène mais dont le théâtre est un dénominateur commun. La rue, la cour d’école investie, un terrain municipal… font partie intégrante du festival. Plus qu’un décor, la rue devient presque actrice en ce qu’elle met en forme et donne une couleur unique (de par sa configuration, son mobilier comme points d’accroche d’un rideau, objets de récupération qu’on y trouve, commerces…) à l’esprit de la compagnie.

 

Nouveauté cette année à Aurillac : suite à des débordements en 2016 entre festivaliers et CRS, sur fond d’état d’urgence, des dispositifs de sécurité (barrières périmétriques, et fouilles aux points d’entrée officiels) a été mis en place. Certains dirent que filtrer les entrées dans la rue, c’est contraire à l’esprit même des arts de rue (par définition, la rue appartient à tous, et la liberté d’aller et venir des spectateurs fait partie du jeu de tout artiste de rue et du risque qu’il prend). D’autres qu’il faut minimiser les risques (ou se décharger d’une responsabilité). D’autres encore que la sécurisation telle qu’elle était menée, était inutile… éternel débat.

Un autre service nous attendait au festival, en soutien au collectif Aurillacois « on est fait pour s’entendre » (qui dispense, tout au long de l’année et par des initiatives citoyennes, un peu de bonheur et d’aide à des familles de réfugiés, à des sans-abris… ) : le service du petit déjeuner, en plein centre-ville. Pour un temps, entre chiens et loups pour certains, entre loups et chiens pour d’autres, où d’autres encore sont en pause au travail ou en cours de dégrisement, en plein boeuf musical… le bord du trottoir continue d’être un lieu de rencontre, un peu improbable, et non juste un lieu de passage.

Je terminerai comme j’ai commencé, par une citation rapportée de Christian Bobin. Elle symbolise un peu

les actions de « on est fait pour s’entendre » en ce qu’elles sont humbles, réalistes, et vivantes malgré un contexte et un climat politico-social pas toujours favorable : « J’envoie des flèches de lumière à travers l’obscurité »

 

 

Réf : Compagnie Artiflette, « le chant du radiateur » : https://utopiesprod.wordpress.com/le-chant-des-radiateurs-christian-bobin/

Sylvain Wyon

Natan

Natan

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