Un silence de foi

Un silence de foi

 

 

Thérèse est patronne des missions à cause de sa géniale compréhension du mystère de Dieu et de sa trace dans la marche de l’Eglise.

 

« Le Seigneur vient !

L’espérance nouvelle entre à flots dans nos vies.

Son mystère féconde un silence de foi.

Purifions-nous ! ».

 

Ainsi chante l’Eglise dans un hymne matinal de l’Avent. Un silence de foi. L’incroyance des frères humains, ou des « in-chrétiens » dirait Charles Péguy, interroge ma foi. Si je veux que le mystère de la venue du Seigneur féconde mon silence de foi, encore faut-il qu’il y ait silence. N’y a t- il pas une expérience du silence de foi qui appartient complètement à la foi et n’est pas à regarder de travers comme une mal – foi ? Ne faut-il pas perdre la foi dans le même temps où pour suivre Jésus et l’Evangile, on perd sa vie ? S’il y a une théologie des pierres d’attente, ce n’est ni de l’attente d’une révélation de Dieu qu’il s’agit (qui saurait décider du jour de sa manifestation ?), ni de l’attente des ‘inchrétiens’ (peut-on prêter malgré lui à quelqu’un une attitude aussi décisive ?). Il s’agit de l’attente du silence des croyants, l’attente du temps où ils seront tout entiers dans le silence où alors, peut-être, Dieu est.

 

Devant le renouvellement nécessaire de la mission pour le temps actuel, un appel naît de la vie de ‘prêtres où on ne les attend pas’, en Chine comme en Essonne ou à Marseille, invitant l’Eglise à entrer aussi dans une spiritualité de l’Avent, pour ne pas dire de la nuit ou du silence. Elle doit se convertir à son manque, à son ignorance de Dieu, à l’inconnu de sa propre foi. L’Eglise doit se laisser baptiser dans la puissance de l’Esprit qui anime le monde dans ce qu’il y a de plus étranger à elle.

 

 « Le corps du Christ est plus étendu qu’on ne pense » écrivait Charles Péguy.

 

Toute vie demande une décision, non pas celle de faire telle ou telle chose, de prendre telle direction plutôt que telle autre, mais La décision, devrait-on dire. Pour Thérèse d’Avila, c’est la décision de ne pas s’arrêter avant d’être parvenue au terme du chemin. Pour l’Eglise et ceux qui vivent le ministère de ‘disciples missionnaires’ dirait François,  c’est la décision de ne pas combler le creux. Il est nécessaire que l’Eglise, par des vies, des corps, des cœurs d’hommes et de femmes, connaisse physiquement, charnellement, dans son tissu le plus organique, qu’elle connaisse la profondeur du creux, l’écartèlement de l’écart, la cécité de la nuit. Dans la vie en creux, la marche de nuit, l’écartèlement des vies de prêtres accueillis où on ne les attend pas. Pour grandir l’Eglise n’a pas besoin de remplir le vide de l’absence des ‘inchrétiens’, elle doit être creusée du même creux qui les tenaille. Tout le reste relève de la grâce.

 

Par une nuit de Noël en Chine, ma prière s’était formée ainsi :

 Seigneur, tu es pour quelque chose dans ma venue ici.

Je vis, hôte d’un peuple dont le grand nombre n’éprouve pas la joie de Noël.

Donne-moi la joie de ce peuple.

Je suis l’hôte d’un peuple qui ne connaît pas l’espérance de Noël.

Donne-moi de renaître à l’espérance de ce peuple.

Le peuple qui me reçoit n’entend pas le chant de la paix de Noël.

Fais-moi connaître la paix de ce peuple.

Alors Seigneur, serai-je plus proche de ton incarnation, du mystère de Noël.

 

Thérèse de Lisieux avait vu juste. Il n’y a que le chemin mystique de l’amour pour marcher sur ces chemins nouveaux. Comment vivre déjà dans l’Amour ? Le désir mystique n’est pas un en avant ou un après de l’Amour de Dieu, en Dieu. Il est Amour. C’est comme un homme qui émigre, devenant étranger, exclu pour bâtir le bonheur de ses enfants restés au loin. Son exil est tout son amour.

 

Ainsi ma prière :

Père, je te rends grâce pour ce que tu as révélé de ton amour

et ce que tu me donnes de connaître de toi.

Mais je te rends grâce surtout pour ce que je ne connais pas de toi

et qui reste dans le mystère de ton amour des lointains.

 

Jacques Leclerc, prêtre de la Mission de France

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