Une génération ensanglantée par ses frères d’une génération perdue

Une génération ensanglantée par ses frères d’une génération perdue

Paris 15 novembre au matin.

Paris est une ville silencieuse et se réveille engourdie ce matin d’un dimanche ensoleillé.

Le quartier touché par les attaques et le carnage du Bataclan, la salle de concert rock, entre Place de la République et Place de la Nation, est un quartier jeune, celui des étudiants et des jeunes professionnels. Le vendredi soir d’autres jeunes viennent les rejoindre en provenance des banlieues. Les victimes sont principalement des jeunes de 20 ans à 35 ans. Peu de touristes de passages, mais des amis de province ou de l’étranger sont parmi les victimes.

C’est le nouveau cœur de Paris qui est blessé. Le cœur de ville d’une génération jeune et déjà accoutumée au risque terroriste. Hier le risque est devenu : blessure sanglante et cadavres au sol sur le trottoir ou entassés dans une salle de concert.

Ce sont des jeunes terroristes qui ont tué froidement, parfois balle par balle, d’autres jeunes couchés à terre dans la salle de concert. Tous soulignent le visage juvénile de ces tueurs. C’est une génération blessée par Charlie en janvier qui vient d’être éclaboussée de sang par le tir de ceux de leur âge qui sont devenus une génération perdue.

Mes amis musulmans se cachent et savent qu’ils vont subir les regards lourds des autres dans la rue et les transports.

« Maintenant Nous connaissons la guerre » dit cette génération de plus jeunes aux anciens qui pensaient que la guerre s’était éloignée depuis 1945 et l’indépendance de l’Algérie dans les années 60.

Cette trace grave sera durable dans leur conscience.

Difficile de commenter les gestes d’émotions. Ils sont multiples mais aussi universels dans leur symbolique qui est relayée ou reprise dans les réseaux sociaux. C’est pourquoi je parle spontanément d’une génération blessée par l’incertitude du terrorisme qui, depuis des années, les accompagne au quotidien des contrôles et des mises en garde. Ils ont intégré cette menace. Désormais ils en portent les blessures et le deuil pas encore accompli des morts.

Médias, politiques, et religieux tournent en boucle et font au mieux. Et ils le font plutôt bien. L’appel à l’unité est entendu. Mais une certaine innocence de l’avenir et de la jeunesse est blessée.

S’il fallait une référence biblique je me tournerais vers le massacre des enfants innocents par Hérode, car si Dieu laisse faire cela tandis que son fils est préservé pour une épreuve encore plus radicale, ces enfants égorgés et ces jeunes mitraillés sont déjà des sacrifiés à une cause idéologiquement effroyable. Et il faut beaucoup de foi et de patience pour voir surgir alors une trace possible d’un salut à venir pour l’humanité.  Cette génération ensanglantée  pleure les siens assassinés  par ses propres frères d’une génération perdue.

 

Hugues DERYCKE prêtre de la Mission de France

Directeur des Acquis et de l’Expérience – ESSEC-Business-School.

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